Cet entretien sera analysé dans la perspective de l'héritage nationaliste français, que j'ai juré de défendre toute ma vie sur la tombe d'Édouard Drumont (1844-1917) le 7 janvier 2024, à l'occasion d'un séjour à Paris que j'avais spécialement effectué pour assister à la conférence de Philippe Ploncard d'Assac sur le thème : "De la dictature mondiale au génocide mondial". C'est ainsi qu'il faut comprendre le travail que j'effectue sur ce forum : quand je cite un auteur comme Charles Gave, spécialiste des questions économiques et financières, c'est pour interroger la compatibilité entre son propos et le nationalisme.

Ce dernier se présente en effet comme un domaine qui comporte plusieurs spécialités. On peut combattre sur tous les fronts, ou privilégier certains créneaux tout en évoluant de façon cohérente avec l'ensemble doctrinal. Mon propos est de dire que, si l'on veut une France majoritairement blanche, de culture indo-européenne et de religion catholique, il faut s'en donner les moyens. D'où le national-capitalisme, ou capitalisme d'intérêt national, comme composante naturelle du nationalisme, que je souhaite mettre en exergue. Plus en profondeur, je veux dire aussi que l'erreur historique de la France a peut-être été de confier les questions d'argent à des communautés autres qu'indo-européennes et catholiques. C'est ce qu'il faut corriger, en reprenant nos affaires en main. La France aux Français, l'argent aussi.

Charles Gave et sa fille Emmanuelle Gave commencent par faire un point sur la différence entre libéraux classiques et libertariens. Politiquement parlant, je me rattache au nationalisme français fidèle à la mémoire de Clovis (466-511). Économiquement parlant, je me rattache à l'école du libéralisme classique, en tant que prenant racine dans l'histoire économique des marchés qui ont contribué à la prospérité de la France et au rayonnement de notre pays. Si tant est que les Gave aient un rattachement partiellement similaire (et, en tout cas, il ressort de leurs propos qu'ils sont plus proches de la première école libérale que des libertariens), il est intéressant d'en comprendre les motivations objectives. Comme j'ai régulièrement l'occasion de le rappeler, savoir qu'untel ou untel, d'autres ou moi-même, avons tel ou tel point de vue, permet de situer les protagonistes (y compris soi-même). Cette situation n'a d'intérêt, plus généralement, que selon les objectifs et les arguments permettant de présenter un projet politique.

C'est pourquoi je fais d'emblée une parenthèse, avec deux points principaux : la part d'individualisme de chacun, dans un premier temps ; la zone de compatibilité entre le libéralisme classique et les principes constitutifs de la doctrine nationaliste française, dans un deuxième temps. Pour définir les termes, le libéralisme classique entend limiter l'État à ses fonctions régaliennes : l'armée, la police et la justice. Par conséquent, ceux qui veulent ajouter d'autres catégories de dépenses publiques ne sont pas, classiquement parlant, des libéraux : qui favorable à des aides, qui à des allocations, qui à l'électricité en tant que service public. L'engagement en faveur du libéralisme classique, que l'on peut aussi nommer capitalisme classique, ultra-capitalisme ou ultralibéralisme, implique de chercher à tout résoudre dans le cadre strictement défini d'un État limité à ses fonctions régaliennes, ce qui doit stimuler l'inventivité des acteurs.

Comme le rappellent les Gave, un libéral au sens classique du terme a donc besoin de reconnaître des frontières, car il n'y a pas d'État sans territoire, ni de territoire sans délimitation. C'est dans ce cadre que je pose la question de l'individualisme. D'une part, il faut comprendre que, quand le fascisme se dressait contre l'individualisme, cette dichotomie apparaissait dans un contexte marqué par une Italie encore fragile en tant qu'État unitaire, où par ailleurs la notion d'individualisme était identifiée aux conceptions philosophiquement libérales de la Révolution dite française, erreur qu'il ne faut pas mettre sur le compte du fascisme, car l'humanisme fraternel a entretenu et continue à entretenir la supercherie consistant à se présenter comme un individualisme, alors qu'il n'est qu'une glorification de l'espèce humaine au détriment des identités nationales, lesquelles sont plus à même de garantir les droits individuels dans le cadre de leurs principes constitutifs.

Il en ressort que le fait d'adhérer au libéralisme classique en économie n'implique pas nécessairement d'adhérer au libéralisme philosophique, lequel aboutit à une idéologie de tolérance et d'inclusion incompatible avec le projet nationaliste, qui a besoin de discrimination pour imposer l'ordre de ses principes sur le territoire dont il aurait la charge. Ainsi, la première transition à envisager entre le libéralisme classique en économie et le nationalisme politique n'est pas le libéralisme philosophique, mais le conservatisme. Ce n'est, en effet, qu'à la condition du conservatisme des mœurs, préfigurant le conservatisme politique à une échelle plus importante, que le libéralisme classique en économie devient intégrable dans le projet nationaliste. Autrement dit, la part de compatibilité entre le nationalisme et le capitalisme d'intérêt national tient, non seulement audit intérêt national, mais aussi au conservatisme philosophique, défini comme un état d'esprit ne refusant pas tout progrès, sans pour autant ériger la notion de progrès en priorité.

Cette distinction permet de comprendre la différence de perception fondamentale que l'on peut avoir du libéralisme économique, car il existe, in fine, un fossé entre l'acception générale du libéralisme telle que promue par des médias comme Contrepoints (voire comme Atlantico ou comme Causeur), et la part de libéralisme classique en économie que le nationalisme peut intégrer à son profit tout en évoluant, avant tout, en accord avec ses principes constitutifs (via le conservatisme en tant qu'état d'esprit), principes constitutifs résumés, en France, par les trois points suivants : la préférence nationale en toute chose, le retour du catholicisme comme religion tutélaire, et le fait de ne pas laisser à la gauche la question du sort des plus démunis, car toutes les solutions sont censées être entre nos mains.

Sur ce dernier point, il y aurait, au sein du nationalisme, un débat économique, quant à savoir comment traiter le problème, entre ceux qui veulent instaurer ou maintenir un État-providence, et ceux (dont moi-même et d'autres) qui entendent résoudre le problème exclusivement via l'embauche, le travail et le salariat, quitte à rendre l'activité obligatoire pour arriver au plein emploi. Les partisans de l'État-providence orientent alors l'extrême droite dans le sens de la théorie du fer à cheval (selon laquelle il existe une proximité partielle entre l'extrême gauche et l'extrême droite). Les nationalistes privilégiant davantage le travail, comme d'autres et moi-même, vont au contraire mettre la barre à droite toute, de sorte que rien, dans ce grand écart, ne soit plus éloigné de l'extrême gauche que l'extrême droite. Entre ces deux sous-groupes du nationalisme, les allocataires et les libéraux classiques, je préconise un débat respectueux, car nous avons besoin d'alliances objectives, en gardant à l'esprit le fait que nous partageons les mêmes principes de base.

C'est d'autant plus vrai que le national-capitalisme, défini dans le cadre du nationalisme français au sens historique du terme, en lien avec l'Ancien Régime et tout ce qui le précède depuis Clovis, tout comme en rupture avec les institutions républicaines, le national-capitalisme ainsi défini, donc, affirme une divergence fondamentale par rapport au point de vue d'un commentateur comme Henry de Lesquen, lequel se réclame pourtant d'une orientation nationale-libérale. Or, concernant Lesquen, il faut savoir que sa conception du libéralisme n'exclut ni la Révolution dite française, ni l'entièreté des institutions républicaines (l'amenant à saluer la mémoire de francs-maçons historiquement notoires), ni le gaullisme qu'il qualifie (à tort) de nationalisme (car le nationaliste, c'était Philippe Pétain (1856-1951), alors que Charles de Gaulle (1890-1970) travaillait contre les intérêts de la France, comme l'a démontré Ploncard d'Assac dans son ouvrage Charles de Gaulle, de la légende à la réalité).

Plus généralement, le crypto-maçonnisme de Lesquen, tout comme sa volonté de tourner la page maurrassienne, ou encore son manque de dénonciation franche des politiques de forcing vaccinal opérées par la Macronie depuis les années Covid-19, font que sa vision du libéralisme ne saurait s'accorder avec les principes constitutifs du nationalisme français. Quoi qu'il en dise (et sans doute le dit-il soit pour semer la confusion, soit parce que sa manière de penser manque parfois de clarté, ce qui se ressent dans son discours), Lesquen est, à l'instar de Pierre-Yves Rougeyron (lequel a le mérite, lui, de le dire clairement), un souverainiste, non un réactionnaire. Comme le rappelle Ploncard d'Assac, il s'agit moins de mettre de nouveau un roi à la tête de la France, que de revenir aux fondements historiques de notre pays : Pétain n'avait pas mis en place une monarchie, mais son État était plus proche de la France de Clovis (dans un contexte ayant pris en compte, entretemps, les évolutions techniques modernes) que l'illusion œcuménique, entretenue par Lesquen, d'une passerelle entre résistants et réactionnaires.

D'autre part, et je termine ici de répondre à la question de l'individualisme après en avoir clarifié le cadre, que veut dire "vivre pour soi" ou "vivre pour soi et pour ses proches" dans un régime nationaliste ? Si un pays fort a besoin d'enfants mais que certains d'entre nous, bien que parfaitement hétérosexuels, ne voulons pas faire d'enfants par désintérêt pour les enfants et pour le fait de devoir nous en occuper, il faut alors prévoir des solutions qui ne soient ni transhumanistes, ni immigrationnistes. Nous n'irions, par conséquent, ni fabriquer la vie en laboratoire, ni continuer à maintenir nos frontières ouvertes. Dès lors, la seule solution raisonnable pour repeupler la France avec des Blancs serait, d'un côté, de compter sur les familles qui souhaitent continuer à faire des enfants et à les élever puis, d'un autre côté en cas d'insuffisance, de nous appuyer sur une organisation collective chargée de répondre à nos besoins démographiques, avec des mères porteuses rémunérées, ainsi qu'une prise en charge de l'éducation des enfants par des prestataires privés sous contrat avec l'État.

Si la solution peut choquer, elle est cependant différente de l'évolution promue par les républiques, dans la mesure où le nationalisme restauré abolirait cette aberration qu'est le mariage pour tous. Il ne serait donc pas question d'adoption par des couples autres qu'hétérosexuels, pour la simple raison qu'aucune autre sexualité ne serait reconnue. Et les minorités mécontentes n'auraient d'autre choix que de disparaître, de s'exiler, de se taire ou de s'exposer à la violence légitime des forces de l'ordre (point sur lequel je rejoins totalement les positions d'Yvan Benedetti). Dans ces conditions, nous assisterions au retour en force de l'union légitime entre l'homme et la femme, aux fondements de notre civilisation et de sa puissance originelle, basée sur l'équilibre de la nature. Le modèle en vigueur serait bien, de ce fait, celui de la famille traditionnelle. La solution proposée apparaîtrait uniquement pour faire face à une nécessité, consistant à opérer des rapprochements entre des centres hospitaliers et des environnements éducatifs. Ce serait comme un ensemble d'écoles privées dont le travail commencerait dès la naissance des enfants concernés.

Cette idée m'est venue progressivement, à partir du moment où j'ai commencé à soutenir l'action du Syndicat de la Famille. On peut dire que j'en suis un soutien de la première heure, puisque j'ai exprimé dès le départ mon souhait d'interdire le mariage pour tous et de restaurer le mariage traditionnel, l'une des raisons essentielles expliquant pourquoi, en tant qu'homme blanc hétérosexuel, j'ai fini par rejoindre ouvertement l'extrême droite en général et le nationalisme français en particulier. Le seul problème, en l'occurrence, est que nous devons voir plus loin que nos adversaires, afin d'augmenter nos chances de victoire.

Or, pour voir plus loin, nous devons être capables de les contrer point par point, y compris en occupant le terrain de l'individualisme et de la postmodernité. Si, d'un côté, nous voulons interdire, avec la plus grande fermeté, tout ce qui n'est pas hétérosexuel, et que, d'un autre côté, il n'y a pas assez de Blancs en France qui veulent faire des enfants, nous n'allons pas obliger les Français à faire des enfants, ni leur donner des allocations pour les encourager en ce sens. Nous allons favoriser des structures qui, en complément du modèle familial traditionnel, seront à la fois des centres maternels, des orphelinats et des écoles.

Car, pour donner aux principes qui ont fait et font toujours l'identité de notre pays une chance de revenir au pouvoir, nous devons penser à la fois tradition, modernité et postmodernité, ce pour des raisons essentiellement stratégiques. C'est pourquoi, en plus du retour traditionnel du modèle familial inhérent à l'union entre l'homme et la femme, retour qui serait acté de par la foi et de par la loi, notre réponse moderne et postmoderne spécifiquement vouée à la mise en échec des dérives transhumanistes serait, précisément, le concept d'école hospitalière, termes par lesquels je désigne la combinaison, exposée plus haut, des établissements de maternité et des établissements scolaires, stade de l'école qui serait, en quelque sorte, le stade précédant celui des écoles maternelles.

Cette mesure s'accompagnerait, bien entendu, d'une cessation de prise en charge des actes d'avortement. Tout enfant non souhaité par ses parents pourrait, ainsi que le préconisent Ploncard d'Assac et d'autres nationalistes, se voir adopté par un couple en ayant formulé la demande. Par ailleurs, la question du travail des enfants se poserait de nouveau, sous condition d'étude et de prise en compte des éléments de pénibilité acceptables par un enfant, dans un environnement donné d'apprentissage et d'exercice, ce notamment afin de rentabiliser les orphelinats, selon l'importance prise par ces derniers au vu des priorités démographiques du moment. Je suppose que, dans un pays doté d'un avenir, le modèle familial reprendrait de soi-même et minimiserait le recours aux écoles hospitalières, une fois ledit modèle familial stimulé non par des contraintes étatiques, mais par des perspectives naturelles. N'est-ce pas ainsi que les nations se sont peuplées ?

Plus généralement, l'individualisme interroge la cohésion collective. À quelle condition peut-on se dire individualiste dans un régime politique nationaliste ? La réponse serait double : pour autant que la concurrence interne stimule notre économie dans l'intérêt même de la nation ; aussi longtemps que l'individualisme ne remet pas en cause la cohésion nationaliste, ni ses principes en France (dont, pour les plus importants : la préférence nationale, le catholicisme tutélaire, et notre aptitude à résoudre le problème de la pauvreté via les solutions développées dans le cadre de notre politique intérieure).

C'est pourquoi il est essentiel, selon une acception de l'individualisme compatible avec la doctrine nationaliste (qui est avant tout un pragmatisme et un empirisme), que les individus répondent aux exigences de notre identité axée sur l'hétérosexualité, sur l'ethnicité caucasienne blanche et indo-européenne, sur la langue française, sur la religion catholique ainsi que, par défaut, sur la fermeture de nos frontières ; pour que les minorités ethniques restent des minorités, dans la conscience, notamment, que notre religion de foi a déjà un Messie (le Christ), et que de ce fait elle doit répondre à nos besoins spirituels collectifs sans partage, précisons-le, avec des religions de loi qui, elles, attendent toujours leur Messie. Les fondements religieux de la France ne sont que chrétiens, et ces fondements chrétiens ne sont que catholiques.

Par ailleurs, quand on évoque des compensations pour des nations détruites qui viendraient frapper à nos portes, à aucun moment je n'ai dit que ces mesures seraient inconditionnelles. Non seulement la banalité de l'immigration serait terminée, mais aussi sa morale humanitaire. Ce point signifie clairement que les prétendants à la France devraient, en définitive, payer leur droit d'entrée, soit par un travail honnête eu égard au caractère modeste de leur condition, soit par d'importantes sommes d'argent si nous avions affaire à des riches. Dans tous les cas, ces derniers n'auraient pas la possibilité de reconstituer des lobbies, car notre arsenal législatif et notre force de frappe régalienne seraient en mesure de leur faire barrage. Pour commencer, il n'y aurait ni fraternité humaniste, ni loi contre le racisme, ni droit du sol, et le regroupement familial serait interdit. Quant à l'argent et aux médias, c'est de par la Constitution qu'ils resteraient entre les mains des Français blancs, indo-européens (donc aryens) et catholiques (ou alliés politiques du catholicisme sans autre religion).

Dès lors, à l'issue de ce développement consacré à la part d'individualisme de chacun, il devient plus facile de définir, comme annoncé plus haut, la zone de compatibilité entre le libéralisme classique et les principes constitutifs de la doctrine nationaliste française, sachant que le libéralisme classique n'est compatible avec le nationalisme en général, et le nationalisme français qui nous intéresse plus particulièrement, que dans la mesure où il s'agit d'un libéralisme classique strictement économique et orienté vers un capitalisme d'intérêt national, à la condition préalable d'une référence philosophique, théorique et pratique au conservatisme présenté comme un état d'esprit, dont découlerait une politique favorable aux mœurs traditionnelles et à une homogénéité ethnique en lien avec les origines civilisationnelles de notre pays, aspects auxquels s'ajouteraient une condamnation juridique définitive de la franc-maçonnerie, ainsi que le rétablissement de la peine capitale et la légalisation du permis de port d'arme civil.

Là où les libertariens entendraient réduire la politique à la seule défense de la propriété privée, les libéraux classiques s'accorderaient avec nous autres, nationalistes, sur le fait que ladite propriété privée serait d'autant mieux défendue que si établie dans le cadre d'un État fort, car limité à ses fonctions régaliennes. Dans mon individualisme personnel, je me situe au-delà de l'extrême droite. La doctrine (qui est aussi, selon la réversibilité de l'interprétation, une anti-doctrine) que j'élabore sur ce plan relativement hétérodoxe, car idiosyncrasique, relève davantage d'un atomisme civilisationnel que d'une démarche libertarienne. C'est la conscientisation, motivée par une misanthropie profonde, de ce qui sépare chaque individu de sa propre espèce. Dans ma conformité au nationalisme, je reconnais d'une part que ma réflexion plus personnelle s'apparente davantage à un idéal sombre ou à une utopie obscure, et d'autre part que le libéralisme classique (à la fois conservatisme philosophique et capitalisme d'intérêt national) est plus adapté que le libertarianisme, en tant que modèle économique, au souhait d'un retour du nationalisme comme projet politique d'intérêt général. En comparaison, les Gave sont des souverainistes.

Cette mise au point de ma part étant faite, j'en reviens au contenu de la vidéo. Charles Gave entend consacrer cette dernière aux livres qui ont marqué sa vie, en faisant toujours la part entre la qualité de l'œuvre et la personnalité de l'auteur, dont Gave n'approuve pas nécessairement les positions politiques ni, plus généralement, les décisions prises au cours de l'existence. Ainsi de Bertrand de Jouvenel (1903-1987), auteur de Du pouvoir. John Locke (1632-1704) est cité pour ses Deux traités du gouvernement. La question de Locke avait précédemment été posée, toujours avec Gave, dans un autre sujet. À ce propos, Gave reconnaissait lui-même que la conception lockéenne de certains droits naturels (comme le droit de propriété et le droit de sûreté) avait pour précurseurs les Évangiles. Par ailleurs, bien qu'en théorie contre l'esclavage sur la base de sa définition des droits naturels, Locke avait des actions dans une entreprise pratiquant le trafic d'esclaves. D'où la précaution de Gave dans la différence qu'il établit, parfois, entre les textes et la vie de leurs auteurs. Personnellement, je vis en accord avec ce que j'écris, et inversement.

Concernant L'esprit des lois de Charles Louis de Montesquieu (1689-1755), je reprendrais deux citations de l'auteur, également mises en avant par Ploncard d'Assac pour montrer en quoi les idées qui ont annoncé la Révolution dite française relèvent du sophisme et du faux principe : "Le peuple dans la démocratie est, à certains égards, monarque, à certains, sujet par ses suffrages qui sont ses volontés", et : "La volonté du souverain est le souverain lui-même". Comme l'a expliqué Ploncard d'Assac, la mise en regard de ces deux citations correspond à l'énoncé d'une idée qui ne résiste pas à l'examen, du fait de la délégation de la souveraineté à des représentants susceptibles de tromper le peuple. Quant à la séparation des trois pouvoirs (le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire) dont parle Montesquieu, elle n'empêche pas l'émergence d'un quatrième pouvoir (le pouvoir administratif) ni son importance de plus en plus nocive au sein des institutions, dont la sclérose et la corruption finissent par trahir l'incohérence, en amont, du projet des républiques démocratiques.

Si, comme le dit Montesquieu, la monarchie requiert avant tout l'honneur, la république la vertu et le despotisme la crainte, on peut le comprendre ainsi : quand un roi arrive à protéger son peuple, on dit qu'il honore son statut (le terme d'honneur se référant alors à la qualité de l'action) ; quand un peuple s'efforce de viabiliser sa république, on dit qu'il est vertueux (le terme de vertu se référant alors à la qualité des personnes) ; quand un régime s'en prend à sa base, on dit qu'il se fait craindre (le terme de crainte se référant alors à un défaut tant dans l'action que dans la personnalité de ses auteurs). Or, les méthodes coercitives de la Macronie pendant les années Covid-19 prouvent que la république se comporte comme un despotisme. De plus, ce qui n'a pas échappé à la lecture attentive des Gave, l'honneur et la vertu sont politiquement consubstantiels, donc la viabilité d'un type de régime (la république) soi-disant vertueux mais sans honneur est une illusion, car il n'y a pas de vertu sans honneur.

De là, on en arrive aux Réflexions sur la Révolution en France d'Edmund Burke (1729-1797), ouvrage également cité par Ploncard d'Assac dans Le nationalisme français. Ce qui est intéressant chez Burke, c'est son conservatisme politique et son libéralisme économique, lesquels font, conjointement, de ses textes des charnières à prendre en compte dans l'effort, tel que présenté plus haut, consistant à préciser dans quelle mesure le capitalisme, pour autant qu'il soit d'intérêt national, est intégrable dans un projet nationaliste, avec pour culture commune le conservatisme des mœurs et, plus généralement, des institutions et des principes. Ayant connu personnellement le contexte révolutionnaire français, Burke avait émis le pronostic, lequel s'est avéré pertinent, des problèmes que les Français allaient connaître pour avoir commis l'erreur de s'être écartés, en politique, de l'ordre naturel, car Burke, en philosophe avisé, savait que les diverses tentatives historiques de créer un homme nouveau n'avaient jamais abouti, ces tentatives axées sur la nouveauté n'ayant pas pour objectif une amélioration globale.

Que penser de La démocratie en Amérique d'Alexis de Tocqueville (1805-1859) ? Que l'identification qu'il perçoit entre libéralisme politique et démocratie est cohérente. Néanmoins, dans la perspective du nationalisme, il apparaît que la démocratie républicaine consécutive à la Révolution dite française suit un processus inorganique, celui du bulletin de vote et de l'opinion influencée par les médias eux-mêmes tenus par des lobbies qui, de ce fait, tiennent aussi les politiques, tandis que les corporations de l'Ancien Régime permettaient, de fait, une démocratie organique où, à travers la hiérarchie des corps intermédiaires, les travailleurs avaient la possibilité de donner leur avis en fonction des domaines, notamment professionnels mais aussi familiaux et, plus généralement, relationnels, dont ils avaient une connaissance directe. Une fois de plus, je me réfère à l'analyse de Philippe Ploncard d'Assac, lui-même s'appuyant, et sur sa propre expérience politique en tant qu'ancien cadre du Front national puis président des Cercles nationalistes français, et sur sa lecture des livres de son père Jacques Ploncard d'Assac (1910-2005), d'Augustin Barruel (1741-1820), de René Sédillot (1906-1999) et d'Arnaud de Lassus (1921-2017) (en plus de ceux d'Édouard Drumont cité au début, ainsi que d'autres auteurs).

C'est pourquoi, contrairement au libéralisme économique classique (pour autant que ce dernier défende un capitalisme d'intérêt national), le libéralisme politique n'est pas compatible avec le nationalisme. D'où l'ambiguïté du national-libéralisme de Lesquen, qui ne fait pas la distinction entre libéralisme politique et libéralisme économique. Pour résumer ce que m'inspire la position de Lesquen, je ferais une comparaison avec une maison qui aurait deux portes d'entrée : d'un côté, Lesquen fermerait la première porte en dénonçant le cosmopolitisme sur le terrain culturel, tel un défenseur de la langue française et de sa littérature ; mais d'un autre côté, il tiendrait la deuxième porte grande ouverte (y compris en ce qui concerne, pour peu que l'on aime réellement la France, tout ce qui est condamnable car contraire aux intérêts de notre pays : les idées de 1789, la franc-maçonnerie, le gaullisme et les énarques, sans oublier, au passage, les politiques vaccinales, dont les laboratoires de type Pfizer sont des entités mondialistes tout aussi notoires que la pression qu'ils exercent sur les gouvernements). C'est la raison pour laquelle je préfère, pour ma part, indiquer les limites légitimes d'un capitalisme d'intérêt national, ou national-capitalisme, dans le cadre d'un projet avant tout nationaliste, en n'employant le terme de libéralisme que dans son acception économique classique, et en contextualisant toujours ce terme de façon à en rendre la signification aussi claire et intelligible que possible, eu égard à mon optique politiquement réactionnaire.

Les Harmonies économiques de Frédéric Bastiat (1801-1850) nous donnent justement l'occasion de recentrer le propos sur l'économie. Selon l'auteur, les intérêts légitimes sont faits pour s'harmoniser, cette harmonie s'opérant mieux naturellement que sous la contrainte étatique. Par ailleurs, plus l'État s'engage dans diverses dépenses publiques, plus il s'affaiblit, et plus la nation s'affaiblit avec lui. D'où mon idée, qui est aussi celle d'autres nationalistes, selon laquelle un marché d'intérêt national servirait d'autant mieux la nation, perçue en tant qu'État, que ce dernier serait plus fort car limité à son armée, à sa police et à sa justice. C'est, autour du conservatisme institutionnel, le lieu théorique et pratique où le nationalisme politique et le libéralisme économique sont susceptibles de s'accorder. J'en veux pour preuve le fait que, à l'époque de Bastiat, et malgré les désordres provoqués par la Révolution dite française ainsi que par ses conséquences plus ou moins tardives, on ne parlait pas de mondialisation comme dans la seconde moitié du vingtième siècle ni comme dans le premier quart du vingt-et-unième siècle : les nations européennes existantes étaient encore relativement fortes.

De L'histoire d'Arnold Toynbee (1889-1975), on retiendra, entre autres, l'idée selon laquelle une religion peut servir de pont entre deux civilisations (comme par exemple le christianisme entre Rome et le Moyen Âge, point essentiel pour comprendre les origines de la nation française). De plus, l'auteur explique la disparition des civilisations, non par un processus inévitable de croissance et de déclin, mais par l'inaptitude de certaines élites à répondre aux défis civilisationnels qui se posent à elles, entraînant une reformulation toujours plus inextricable du problème, jusqu'à un point de rupture. Il y a aussi le fait que, quand des solutions existent et sont mises en place, elles ne fonctionnent pas toujours : l'Union européenne était censée pacifier les relations entre la France et l'Allemagne, mais elle a provoqué des crises dont la gravité est telle que les pays concernés voient leur avenir menacé d'une autre façon (d'autant plus que, stratégiquement, la soi-disant solution était biaisée, apparaissant comme une fausse solution, car pilotée depuis le début par les intérêts unipolaires de l'impérialisme américain).

La route de la servitude de Friedrich A. Hayek (1889-1992) dévoile les relations de cause à effet entre l'interventionnisme de l'État et la restriction des libertés individuelles. Du pouvoir de Bertrand de Jouvenel (1903-1987), déjà cité plus haut et consacré à l'analyse de la montée des pouvoirs absolus, doit être mentionné, dans la perspective nationaliste que je défends, comme l'ouvrage d'un auteur qui fut, pendant un temps, un proche de Jacques Doriot (1898-1945), que tous les extrémistes de droite français (dont je suis) se doivent de connaître pour sa période fasciste : aux réticences exprimées par les Gave à ce sujet, on voit tout de suite la fracture qui sépare les souverainistes des nationalistes. Comme j'ai entendu Ploncard d'Assac le dire : "Les souverainistes sont proches de nous, mais ils ne sont pas nous".

C'est pourquoi, à titre personnel, je sais que je ne me rapprocherai pas de Charles Gave, encore moins d'Henry de Lesquen ou de Pierre-Yves Rougeyron, et tiens à saluer Philippe Ploncard d'Assac, Jérôme Bourbon et Yvan Benedetti. L'intérêt objectif et politique de cette précision est de montrer qu'il existe, en l'occurrence, deux camps, et qu'il s'agit de choisir son camp. C'est ce que j'ai fait dès l'instant où j'ai créé ce forum. On peut trouver une analyse intéressante voire instructive et s'y référer, sans pour autant rejoindre les rangs souverainistes, ce parce que l'on a préféré le nationalisme français réactionnaire, jugé plus authentique. Nous autres nationalistes remontons aux causes des problèmes (les lobbies allogènes contraires aux intérêts de la France) et, par les principes constitutifs de notre nation auxquels nous demeurons fidèles, sommes forcément plus que souverainistes et patriotes : pour reprendre les termes de Charles Maurras (1868-1952), le nationalisme tend à s'affirmer intégralement.

Cette différence n'empêche pas de donner raison aux Gave sur certains points, comme le fait que, selon Jouvenel dont ils reprennent les propos à leur compte, la liberté étant individuelle, elle nous appartient et, par conséquent, nous n'attendons pas qu'elle nous soit accordée par autrui. C'est ce qui nous différencie, nationalistes comme souverainistes, des minorités bruyantes que nous combattons : contrairement à ces minorités, qui réclament la liberté comme une reconnaissance collective, nous restons conscients, nous autres réactionnaires (les souverainistes nous rejoignant sur ce point), que notre liberté est de notre fait et que nous ne la devons à personne. C'est pourquoi les minorités de mœurs sont immatures, alors que nous, hétérosexuels, sommes de vrais adultes de par notre dignité, notre pudeur, notre sens des responsabilités portés à un point tel que, sur les questions individuelles, nous sommes assez forts pour ne rien vouloir des autres. Là où les minorités de mœurs sont assez faibles pour plébisciter la gentillesse d'autrui, nous, hétérosexuels, sommes capables d'indifférence face à la sympathie ou à l'antipathie ambiantes, et pouvons rester de marbre face à des gens qui seront toujours, pour nous, des étrangers.

Autre point sur lequel nous, nationalistes, approuverions Charles Gave : il considère que la Révolution dite française a été un échec, de par l'hécatombe massive qu'elle a provoquée à l'échelle du continent européen. Le constat est imparable. Ce n'est pas sur ce forum que les intéressés retrouveront les paroles de la Marseillaise ; pour mémoire, le 14 juillet dernier, j'ai cité Maréchal, nous voilà d'André Montagard (1887-1963), et j'en suis fier. La force de Philippe Pétain (1856-1951) est d'avoir préféré le travail à la guerre, une guerre qu'il n'aurait pu mener à cause d'une armée française affaiblie, précédemment, par l'envoi d'armes aux Rouges d'Espagne sous Léon Blum (1872-1950), non sans similitude, à l'heure de ces lignes, avec l'aide apportée par la France à l'Ukraine dans une guerre qui ne nous concerne pourtant pas.

C'est, par conséquent, avec un esprit critique attentif et nuancé que je reçois La société ouverte et ses ennemis de Karl Popper (1902-1994), non tant du point de vue de sa contre-argumentation face à l'historicisme que de celui d'une lecture de Platon (-428--348), de Friedrich Hegel (1770-1831) et de Karl Marx (1818-1883) orientée vers une explication de l'émergence de ce que l'auteur appelle, de façon consensuelle, les totalitarismes. En effet, l'extrême droite et le marxisme n'ont pas les mêmes origines politiques, et ne doivent donc pas être regroupés sous la même bannière. Ce que la perspective nationaliste que je défends m'incite, légitimement, à mettre en valeur, c'est l'état des lieux objectif d'un ensemble de tentatives historiques inégales d'un pays à l'autre pour revenir, dans l'Europe de la première moitié du vingtième siècle, à l'état de puissance des nations antérieur à la crise majeure provoquée par la Révolution dite française.

À ce titre, je me permets de recommander la lecture ou la relecture des Doctrines nationalistes de Jacques Ploncard d'Assac (1910-2005). Les lecteurs qui ne connaissent pas encore cet ouvrage fondamental auront, grâce à lui, les clés nécessaires à la compréhension des différences entre les expériences menées au Portugal, en Espagne, en Italie, en Allemagne et en France. Les autres livres conseillés par les Gave, de leur côté, sont les suivants, plus en rapport avec les thématiques économiques dans l'ensemble, dont on appréciera l'anticommunisme et la valorisation des entrepreneurs privés nationaux : L'action humaine de Ludwig von Mises (1881-1973) ; La grève d'Ayn Rand (1905-1982) ; La tentation totalitaire de Jean-François Revel (1924-2006) ; Des choses cachées depuis la fondation du monde de René Girard (1923-2015) ; Capitalisme et liberté de Milton Friedman (1912-2006). À noter que les Gave reconnaissent le caractère constitutionnellement et donc structurellement défaillant de la république, tout en saluant les corps de métiers de l'Ancien Régime comme des contrepouvoirs dont on aurait besoin, en 2024, pour redresser la France.