Pour essayer de comprendre ce qui rapproche libéralisme et souverainisme, Charles Gave et sa fille Emmanuelle Gave reçoivent Philippe Murer, économiste prônant une sortie de l'euro, auteur du livre Sortir du capitalisme du désastre. C'est une occasion pour moi, sur Objectif Nation, forum ayant, je le rappelle, pour but de promouvoir la préférence nationale, l'économie française, le conservatisme et l'extrême droite, d'aller plus loin dans ma réflexion sur les relations entre deux pôles que je défends conjointement : le conservatisme (tant sur le plan économique, donc en référence au libéralisme classique et aux fonctions régaliennes de l'État, que sur le plan des habitudes de vie) et l'extrême droite (c'est-à-dire le retour à un modèle idéologiquement fort, où la violence politique légitime serait mise en avant comme levier d'action au service d'un nationalisme de tradition et de principes).
Ma position consiste à dire, depuis toujours, qu'il existe, du fait de l'évolution considérable des écoles de pensée libérale au fil des siècles, une différence de nature entre le libéralisme classique (compatible avec les intérêts nationaux ainsi que l'intégration, à bon escient, de mesures protectionnistes ciblées, auquel cas je préfère parler de conservatisme) et le néolibéralisme (dont les ambitions mondiales démesurées ont pour effet de détruire les nations et leur économie, entraînant une déliquescence des mœurs au nom d'un schéma collectiviste de tolérance). Le néolibéralisme n'est donc pas, à mon avis, un concept inventé par les facultés de sciences humaines, mais une réalité, et je vais résumer en une phrase cette réalité. Le néolibéralisme est un cheval de Troie du socialisme mondial.
En fin de résumé-transcription, je reviendrai sur cette idée à travers mes commentaires plus personnels. Voici, pour l'heure, ce qui est dit dans l'entretien. Charles Gave revendique un souverainisme de liberté : voyant l'État, en référence au célèbre livre de Thomas Hobbes (1588-1679), comme un Léviathan qui peut nous tuer, il en conclut que le libéralisme, doctrine juridique telle que définie par John Locke (1632-1704) autour de l'idée de sortir du monopole étatique de la violence légitime, est le système le mieux à même de nous en protéger. C'est ce que souligne Max Weber (1864-1920) quand il met en avant la question de savoir comment contrôler les institutions étatiques. Gave rappelle également que cette conception lockéenne de la liberté n'est pas incompatible avec les référendums d'initiative populaire que plébiscite Murer.
Là où Gave défend le principe de propriété privée (point sur lequel je le rejoins totalement), Murer pense que ce principe est valable dans l'ensemble mais qu'il doit avoir certaines limites (pour des raisons d'intérêt public, par exemple quand une source d'eau potable se trouve sur un terrain appartenant à un particulier). Murer, économiquement libéral et conservateur sur le plan des mœurs, établit par ailleurs une distinction entre le libéralisme économique et le conservatisme sur le plan des mœurs (alors que pour moi, qui suis également conservateur, les deux aspects se rejoignent, dans le sens où, comme dit plus haut, le libéralisme classique peut se définir comme un conservatisme, orienté vers les mécanismes naturels du marché à l'échelle nationale, voire internationale mais à la condition de rester une nation forte).
Pour défendre la volonté de réduire les dépenses publiques (et sur ce point je l'approuve aussi), Gave donne l'exemple de la Suède étant arrivée à réformer, avec succès, son système éducatif depuis 1992, passant d'une gestion étatique centralisée comme en France à une gestion municipale plus efficace. Murer pense néanmoins que les différences démographiques et culturelles doivent être prises en compte pour expliquer le succès d'un modèle politique dans un pays donné. Certes, mais il n'en demeure pas moins qu'un fonctionnaire coûte de l'argent au contribuable, alors que son travail n'est pas axé sur la production et donc n'enrichit pas l'économie, par conséquent les services (y compris l'éducation) devraient être pris en charge, in fine, par le privé, de façon à limiter l'État à ses fonctions régaliennes.
Contrairement à Murer qui assimile le néolibéralisme à l'ultralibéralisme (alors que le néolibéralisme n'est pour moi, comme dit en introduction, qu'un socialisme planétaire déguisé), estimant que la finance a été dérégulée, Gave parle plutôt d'un capitalisme de connivence, ayant permis à l'État de se mettre d'accord avec de grandes entreprises pour étouffer la concurrence, alors que le libéralisme économique, via la promotion des lois antitrust, intègre l'acceptation de la concurrence. Là où les deux auteurs s'accordent (et je les rejoins en ce sens), c'est sur le constat d'une entente entre les GAFAM et le Parti démocrate américain pour entraver la contestation politique. C'est d'ailleurs pourquoi je pense qu'il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de nuisance des wokistes dans le monde.
Gave rappelle que, à la fin des années 1990, pendant les années Bill Clinton, une classe politique criminelle prenait le contrôle de la Réserve fédérale des États-Unis. À partir de là, les taux à 0 ont donné un avantage disproportionné aux grandes entreprises de la Silicon Valley, parce que ces entreprises possédaient déjà des actifs, un cash-flow énorme et un pouvoir d'emprunter leur permettant, littéralement, d'acheter leur concurrence. Les taux d'intérêt à 0 faisant monter le prix des actifs, et le fait que, plus personne n'investissant dans des actifs nouveaux, on assiste à une baisse des investissements en capital, on en arrive à l'appauvrissement comme conséquence de la baisse de la productivité.
Pour Gave, ce phénomène n'a rien à voir avec le libéralisme, et tout à voir avec la capture de l'État par des acteurs malhonnêtes. Contrairement à ce capitalisme de connivence qu'il dénonce, Roland Reagan (1911-2004) et Paul Volcker (1927-2019), pour ne citer que cet exemple, s'étaient entendus sur la hausse des taux. En effet, si les taux d'intérêt sont à la rentabilité marginale du capital, il ne peut y avoir de LBO (ou leveraged buy-out, "montage financier permettant le rachat d'une entreprise en ayant recours à beaucoup d'endettement").
Murer, lui, s'attarde sur le problème que posent les stock-options dans les grandes entreprises, dont le PDG, lequel a en principe une vision à long terme qui n'est pas celle de l'actionnaire, se retrouve pourtant, s'il veut rester à la tête de l'entreprise, en position de devoir faire monter le cours de bourse pour servir la volonté de l'actionnaire à court terme (sauf si l'entreprise en question est une affaire familiale).
Il y a trois étages dans l'organisation politique d'un pays : la population qui travaille pour elle-même, l'administration qui s'occupe du fonctionnement de l'État et les dirigeants politiques devant être écartés s'ils échouent dans leur mission. Depuis Valéry Giscard d'Estaing (1926-2020), l'administration a pris le contrôle des dirigeants politiques. On a encore une dizaine de grandes entreprises industrielles françaises performantes, mais elles ne produisent plus en France à cause des coûts engendrés par l'administration via les politiques menées. Gave montre une fois encore, avec le coefficient de Gini, que l'égalitarisme français non seulement ne fonctionne pas, mais produit, en plus d'être liberticide, des inégalités contre son propre objectif théorique.
La France gouvernée selon l'égalité porte atteinte à la liberté : on l'a vu avec les restrictions sanitaires pendant la période du Covid-19. L'égalité ne peut être un objectif politique car, à la base, elle ne tient pas dans sa formulation, qui consiste à postuler une égalité des chances pour obliger à une égalité des résultats, double contrainte paralysant les initiatives au détriment de la liberté. Les pays dont les politiques ont compris cette relation, comme la Suisse, le Danemark et la Norvège, se portent mieux que la France.
S'inspirant de Jean-Paul II (1920-2005), Gave définit la liberté comme le fait de pouvoir et de vouloir faire ce que l'on doit faire. La liberté, en ce sens, se fonde à la fois sur le pouvoir, la volonté et le devoir. Ainsi, la liberté implique le respect de la loi. Contrairement à une politique fondée sur la liberté ainsi que sur le droit de propriété, on voit où mène l'égalitarisme : l'étape qui suit la taxation forcenée, c'est la prison. Pour imposer l'égalité, ses adeptes se servent de la fraternité de façon à affaiblir la liberté. D'où le lien entre la corruption et la devise républicaine, et je reviendrai aussi sur ce point.
De plus, il est encore moins certain que les Français veuillent se retrouver à égalité avec des populations issues de l'immigration, cette dernière étant analysée à juste titre comme un instrument utilisé par les politiques pour ôter à la nation ses défenses immunitaires, en tout cas l'immigration telle qu'elle est encore encouragée en 2023, consistant à accueillir la misère des autres (au lieu d'envisager l'immigration de manière exceptionnelle et sélective, en fonction des profils extérieurs qui peuvent contribuer à l'enrichissement de la France).
Les points évoqués permettant de se faire une idée d'ensemble de ce qu'il faut retenir de l'entretien, je terminerai donc, comme je l'avais annoncé au début, par mes propres commentaires. Gave représentant le libéralisme et Murer le souverainisme, le point de vue qui m'intéresse, à mon niveau, est celui du nationalisme français, perspective qui n'apparaît pas dans l'entretien, et c'est en ce sens que je pense pouvoir éclairer ce dernier en lui apportant une autre vision, celle de la doctrine qui va d'Augustin Barruel (1741-1820) aux Cercles Nationalistes Français en passant par Philippe Pétain (1856-1951) et tous les autres auteurs de cette tradition.
En effet, s'il y a un terrain commun entre le nationalisme, le souverainisme et le libéralisme, c'est ce terrain qui va permettre d'enrichir, tout en lui étant fidèle, la doctrine nationaliste française dans sa dimension expérimentale ou empirique, toujours attentive aux évolutions de la France dans sa relation à l'histoire du monde. Or, comme le rappelle Philippe Ploncard d'Assac dans Le nationalisme français, il y a trois conditions minimales à respecter pour rester fidèle au nationalisme français : premièrement, la nation comme héritage collectif, impliquant le retour aux corps intermédiaires et aux structures corporatives abolies par la Révolution ; deuxièmement, le retour du catholicisme comme religion d'État (ce qui impliquerait nécessairement, pour le catholicisme, de redevenir une religion conservatrice sur les questions de mœurs) ; troisièmement, le fait de ne pas abandonner à la gauche le problème que pose à la collectivité la condition des plus démunis.
Concernant le premier principe, je ne veux pas idéaliser l'histoire de France, mais l'Ancien Régime reposait sur une organisation collective solide, favorable à une démocratie organique, liée à la connaissance directe que les acteurs avaient de leur métier et de leur environnement relationnel : je parle de la France qui a construit les châteaux et les cathédrales, alors que les francs-maçons ne sont que des gens vulgaires qui se réunissent dans des préfabriqués, le bas de gamme des matériaux étant, en l'occurrence, à l'image de la bassesse qui caractérise la fraternité républicaine, dont on a vu que l'égalité liberticide se servait de la corruption pour porter atteinte à notre économie, révélant les termes d'humanisme, de franc-maçonnerie et de mafia sous le jour des synonymes qu'ils ont toujours été les uns vis-à-vis des autres.
Concernant le deuxième principe, étant né en 1975, j'appartiens à une génération pour qui le catholicisme était déjà en recul en France, une des raisons qui expliquent pourquoi je ne suis pas catholique, et je ne me convertirai au catholicisme qu'à la condition que cette religion défende de nouveau nos fondamentaux civilisationnels, à savoir, notamment, l'union traditionnelle entre l'homme et la femme ; je trouverais absurde, pour ma part, une conversion à une religion qui, en 2023, se livre (comme George Soros, Emmanuel Macron et, hélas, l'ensemble de la classe politique française) à la promotion des homosexuels et des transgenres, alors que je suis hétérosexuel depuis toujours et, depuis toujours également, favorable à la préservation du mariage traditionnel : étant hétérosexuel, je veux un catholicisme qui me ressemble et dans lequel je puisse me reconnaître de nouveau.
Concernant le troisième principe, il me semble qu'il est possible de l'appliquer autrement que par des aides de l'État ; la devise de l'État français du maréchal Pétain étant : "Travail, famille, patrie", la façon la plus pérenne de permettre aux plus pauvres d'améliorer leur condition est de les responsabiliser en leur donnant accès au marché de la formation et de l'emploi, changement de paradigme qui ne pourrait s'opérer que dans le cadre d'une refonte des institutions, et c'est là, à mon sens, que se situe le terrain commun, dont je parlais plus haut, entre nationalisme, souverainisme et libéralisme (ce dernier étant entendu dans son acception classique, celle d'un conservatisme).
Charles Maurras (1868-1952) était l'auteur du nationalisme intégral ; sur un autre tableau, je reprendrais ces termes pour parler d'un conservatisme intégral : celui caractérisant à la fois le libéralisme classique et le conservatisme des mœurs. Pour montrer l'écart qui existe entre Adam Smith (1723-1790) et Friedrich Hayek (1899-1992), soit la réalité qui sépare le libéralisme classique du néolibéralisme, je ferai le même rappel que Murer au cours de l'entretien que j'ai retranscrit-résumé plus haut : il y a, du côté du libéralisme classique, la volonté de limiter l'État à ses fonctions régaliennes ; du côté du néolibéralisme, le souci de maintenir un filet de sécurité sous forme d'aides et d'allocations, par peur, dans le cas contraire, que le peuple ne se révolte (aspect du discours qui me fait voir une complicité profonde entre la droite modérée et le socialisme, et raison pour laquelle le néolibéralisme se trahit, dès lors, comme le cheval de Troie du socialisme à l'échelle mondiale).
Par ailleurs, la clarification qui permettrait d'aller au-delà des informations contradictoires surgissant, ici et là, au détour des différents débats entre tenants du libre-échange et tenant du protectionnisme, c'est Gave qui l'avait encore faite à l'occasion de son dossier sur l'industrie et la désindustrialisation, ce en définissant trois priorités, que je répète ici, la première de ces priorités étant de produire ce dont nous avons besoin, la deuxième étant d'exporter ce que nous produisons en trop, la troisième étant d'importer ce que nous n'arrivons pas à produire. En comprenant, dans une optique conservatrice, que le libre-échange et le protectionnisme ne sont pas des valeurs absolues mais des leviers relatifs, et en suivant ces trois priorités, il est possible de se réclamer à la fois du nationalisme français et du libéralisme classique de manière cohérente.
Enfin, le dernier élément par lequel je souhaite ici transposer les données de cet entretien dans ma démarche de réhabilitation et de promotion d'une extrême droite française (contrairement à Murer et à Gave, qui sont des modérés même si, on vient de le voir, nous avons des points communs), ce dernier élément concerne le lien qu'il me reste à expliciter entre la tradition du nationalisme français et l'exemple, dont nous pouvons nous inspirer pour l'intégrer à notre tradition au service des intérêts de la France, donné par une lignée de présidents américains allant de Richard Nixon (1913-1994) à Donald Trump en passant par Ronald Reagan, tout en excluant la famille Bush car trop impérialiste.
Il ne s'agit pas, en les citant comme sources d'inspiration, de vouloir servir des intérêts américains. Il s'agit de reconnaître que, si nous avions en France des hommes politiques déterminés à servir nos intérêts nationaux comme Nixon, Reagan et Trump étaient déterminés à servir les intérêts des États-Unis, de tels hommes seraient certainement dignes de la tradition nationaliste française. On comprend mieux, dès lors, l'intérêt de s'attacher à l'élaboration théorique et pratique d'un modèle politique d'extrême droite ultra-capitaliste pour aller plus loin que les exemples cités dans la radicalité politique et économique (ultra-capitaliste non pas au sens mondialiste du terme, mais au sens, nationaliste français, d'un marché d'intérêt national de l'envergure de nos frontières voire au-delà et, si au-delà, toujours dans notre intérêt propre et de façon à construire des relations commerciales solides avec l'extérieur).
Ma position consiste à dire, depuis toujours, qu'il existe, du fait de l'évolution considérable des écoles de pensée libérale au fil des siècles, une différence de nature entre le libéralisme classique (compatible avec les intérêts nationaux ainsi que l'intégration, à bon escient, de mesures protectionnistes ciblées, auquel cas je préfère parler de conservatisme) et le néolibéralisme (dont les ambitions mondiales démesurées ont pour effet de détruire les nations et leur économie, entraînant une déliquescence des mœurs au nom d'un schéma collectiviste de tolérance). Le néolibéralisme n'est donc pas, à mon avis, un concept inventé par les facultés de sciences humaines, mais une réalité, et je vais résumer en une phrase cette réalité. Le néolibéralisme est un cheval de Troie du socialisme mondial.
En fin de résumé-transcription, je reviendrai sur cette idée à travers mes commentaires plus personnels. Voici, pour l'heure, ce qui est dit dans l'entretien. Charles Gave revendique un souverainisme de liberté : voyant l'État, en référence au célèbre livre de Thomas Hobbes (1588-1679), comme un Léviathan qui peut nous tuer, il en conclut que le libéralisme, doctrine juridique telle que définie par John Locke (1632-1704) autour de l'idée de sortir du monopole étatique de la violence légitime, est le système le mieux à même de nous en protéger. C'est ce que souligne Max Weber (1864-1920) quand il met en avant la question de savoir comment contrôler les institutions étatiques. Gave rappelle également que cette conception lockéenne de la liberté n'est pas incompatible avec les référendums d'initiative populaire que plébiscite Murer.
Là où Gave défend le principe de propriété privée (point sur lequel je le rejoins totalement), Murer pense que ce principe est valable dans l'ensemble mais qu'il doit avoir certaines limites (pour des raisons d'intérêt public, par exemple quand une source d'eau potable se trouve sur un terrain appartenant à un particulier). Murer, économiquement libéral et conservateur sur le plan des mœurs, établit par ailleurs une distinction entre le libéralisme économique et le conservatisme sur le plan des mœurs (alors que pour moi, qui suis également conservateur, les deux aspects se rejoignent, dans le sens où, comme dit plus haut, le libéralisme classique peut se définir comme un conservatisme, orienté vers les mécanismes naturels du marché à l'échelle nationale, voire internationale mais à la condition de rester une nation forte).
Pour défendre la volonté de réduire les dépenses publiques (et sur ce point je l'approuve aussi), Gave donne l'exemple de la Suède étant arrivée à réformer, avec succès, son système éducatif depuis 1992, passant d'une gestion étatique centralisée comme en France à une gestion municipale plus efficace. Murer pense néanmoins que les différences démographiques et culturelles doivent être prises en compte pour expliquer le succès d'un modèle politique dans un pays donné. Certes, mais il n'en demeure pas moins qu'un fonctionnaire coûte de l'argent au contribuable, alors que son travail n'est pas axé sur la production et donc n'enrichit pas l'économie, par conséquent les services (y compris l'éducation) devraient être pris en charge, in fine, par le privé, de façon à limiter l'État à ses fonctions régaliennes.
Contrairement à Murer qui assimile le néolibéralisme à l'ultralibéralisme (alors que le néolibéralisme n'est pour moi, comme dit en introduction, qu'un socialisme planétaire déguisé), estimant que la finance a été dérégulée, Gave parle plutôt d'un capitalisme de connivence, ayant permis à l'État de se mettre d'accord avec de grandes entreprises pour étouffer la concurrence, alors que le libéralisme économique, via la promotion des lois antitrust, intègre l'acceptation de la concurrence. Là où les deux auteurs s'accordent (et je les rejoins en ce sens), c'est sur le constat d'une entente entre les GAFAM et le Parti démocrate américain pour entraver la contestation politique. C'est d'ailleurs pourquoi je pense qu'il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de nuisance des wokistes dans le monde.
Gave rappelle que, à la fin des années 1990, pendant les années Bill Clinton, une classe politique criminelle prenait le contrôle de la Réserve fédérale des États-Unis. À partir de là, les taux à 0 ont donné un avantage disproportionné aux grandes entreprises de la Silicon Valley, parce que ces entreprises possédaient déjà des actifs, un cash-flow énorme et un pouvoir d'emprunter leur permettant, littéralement, d'acheter leur concurrence. Les taux d'intérêt à 0 faisant monter le prix des actifs, et le fait que, plus personne n'investissant dans des actifs nouveaux, on assiste à une baisse des investissements en capital, on en arrive à l'appauvrissement comme conséquence de la baisse de la productivité.
Pour Gave, ce phénomène n'a rien à voir avec le libéralisme, et tout à voir avec la capture de l'État par des acteurs malhonnêtes. Contrairement à ce capitalisme de connivence qu'il dénonce, Roland Reagan (1911-2004) et Paul Volcker (1927-2019), pour ne citer que cet exemple, s'étaient entendus sur la hausse des taux. En effet, si les taux d'intérêt sont à la rentabilité marginale du capital, il ne peut y avoir de LBO (ou leveraged buy-out, "montage financier permettant le rachat d'une entreprise en ayant recours à beaucoup d'endettement").
Murer, lui, s'attarde sur le problème que posent les stock-options dans les grandes entreprises, dont le PDG, lequel a en principe une vision à long terme qui n'est pas celle de l'actionnaire, se retrouve pourtant, s'il veut rester à la tête de l'entreprise, en position de devoir faire monter le cours de bourse pour servir la volonté de l'actionnaire à court terme (sauf si l'entreprise en question est une affaire familiale).
Il y a trois étages dans l'organisation politique d'un pays : la population qui travaille pour elle-même, l'administration qui s'occupe du fonctionnement de l'État et les dirigeants politiques devant être écartés s'ils échouent dans leur mission. Depuis Valéry Giscard d'Estaing (1926-2020), l'administration a pris le contrôle des dirigeants politiques. On a encore une dizaine de grandes entreprises industrielles françaises performantes, mais elles ne produisent plus en France à cause des coûts engendrés par l'administration via les politiques menées. Gave montre une fois encore, avec le coefficient de Gini, que l'égalitarisme français non seulement ne fonctionne pas, mais produit, en plus d'être liberticide, des inégalités contre son propre objectif théorique.
La France gouvernée selon l'égalité porte atteinte à la liberté : on l'a vu avec les restrictions sanitaires pendant la période du Covid-19. L'égalité ne peut être un objectif politique car, à la base, elle ne tient pas dans sa formulation, qui consiste à postuler une égalité des chances pour obliger à une égalité des résultats, double contrainte paralysant les initiatives au détriment de la liberté. Les pays dont les politiques ont compris cette relation, comme la Suisse, le Danemark et la Norvège, se portent mieux que la France.
S'inspirant de Jean-Paul II (1920-2005), Gave définit la liberté comme le fait de pouvoir et de vouloir faire ce que l'on doit faire. La liberté, en ce sens, se fonde à la fois sur le pouvoir, la volonté et le devoir. Ainsi, la liberté implique le respect de la loi. Contrairement à une politique fondée sur la liberté ainsi que sur le droit de propriété, on voit où mène l'égalitarisme : l'étape qui suit la taxation forcenée, c'est la prison. Pour imposer l'égalité, ses adeptes se servent de la fraternité de façon à affaiblir la liberté. D'où le lien entre la corruption et la devise républicaine, et je reviendrai aussi sur ce point.
De plus, il est encore moins certain que les Français veuillent se retrouver à égalité avec des populations issues de l'immigration, cette dernière étant analysée à juste titre comme un instrument utilisé par les politiques pour ôter à la nation ses défenses immunitaires, en tout cas l'immigration telle qu'elle est encore encouragée en 2023, consistant à accueillir la misère des autres (au lieu d'envisager l'immigration de manière exceptionnelle et sélective, en fonction des profils extérieurs qui peuvent contribuer à l'enrichissement de la France).
Les points évoqués permettant de se faire une idée d'ensemble de ce qu'il faut retenir de l'entretien, je terminerai donc, comme je l'avais annoncé au début, par mes propres commentaires. Gave représentant le libéralisme et Murer le souverainisme, le point de vue qui m'intéresse, à mon niveau, est celui du nationalisme français, perspective qui n'apparaît pas dans l'entretien, et c'est en ce sens que je pense pouvoir éclairer ce dernier en lui apportant une autre vision, celle de la doctrine qui va d'Augustin Barruel (1741-1820) aux Cercles Nationalistes Français en passant par Philippe Pétain (1856-1951) et tous les autres auteurs de cette tradition.
En effet, s'il y a un terrain commun entre le nationalisme, le souverainisme et le libéralisme, c'est ce terrain qui va permettre d'enrichir, tout en lui étant fidèle, la doctrine nationaliste française dans sa dimension expérimentale ou empirique, toujours attentive aux évolutions de la France dans sa relation à l'histoire du monde. Or, comme le rappelle Philippe Ploncard d'Assac dans Le nationalisme français, il y a trois conditions minimales à respecter pour rester fidèle au nationalisme français : premièrement, la nation comme héritage collectif, impliquant le retour aux corps intermédiaires et aux structures corporatives abolies par la Révolution ; deuxièmement, le retour du catholicisme comme religion d'État (ce qui impliquerait nécessairement, pour le catholicisme, de redevenir une religion conservatrice sur les questions de mœurs) ; troisièmement, le fait de ne pas abandonner à la gauche le problème que pose à la collectivité la condition des plus démunis.
Concernant le premier principe, je ne veux pas idéaliser l'histoire de France, mais l'Ancien Régime reposait sur une organisation collective solide, favorable à une démocratie organique, liée à la connaissance directe que les acteurs avaient de leur métier et de leur environnement relationnel : je parle de la France qui a construit les châteaux et les cathédrales, alors que les francs-maçons ne sont que des gens vulgaires qui se réunissent dans des préfabriqués, le bas de gamme des matériaux étant, en l'occurrence, à l'image de la bassesse qui caractérise la fraternité républicaine, dont on a vu que l'égalité liberticide se servait de la corruption pour porter atteinte à notre économie, révélant les termes d'humanisme, de franc-maçonnerie et de mafia sous le jour des synonymes qu'ils ont toujours été les uns vis-à-vis des autres.
Concernant le deuxième principe, étant né en 1975, j'appartiens à une génération pour qui le catholicisme était déjà en recul en France, une des raisons qui expliquent pourquoi je ne suis pas catholique, et je ne me convertirai au catholicisme qu'à la condition que cette religion défende de nouveau nos fondamentaux civilisationnels, à savoir, notamment, l'union traditionnelle entre l'homme et la femme ; je trouverais absurde, pour ma part, une conversion à une religion qui, en 2023, se livre (comme George Soros, Emmanuel Macron et, hélas, l'ensemble de la classe politique française) à la promotion des homosexuels et des transgenres, alors que je suis hétérosexuel depuis toujours et, depuis toujours également, favorable à la préservation du mariage traditionnel : étant hétérosexuel, je veux un catholicisme qui me ressemble et dans lequel je puisse me reconnaître de nouveau.
Concernant le troisième principe, il me semble qu'il est possible de l'appliquer autrement que par des aides de l'État ; la devise de l'État français du maréchal Pétain étant : "Travail, famille, patrie", la façon la plus pérenne de permettre aux plus pauvres d'améliorer leur condition est de les responsabiliser en leur donnant accès au marché de la formation et de l'emploi, changement de paradigme qui ne pourrait s'opérer que dans le cadre d'une refonte des institutions, et c'est là, à mon sens, que se situe le terrain commun, dont je parlais plus haut, entre nationalisme, souverainisme et libéralisme (ce dernier étant entendu dans son acception classique, celle d'un conservatisme).
Charles Maurras (1868-1952) était l'auteur du nationalisme intégral ; sur un autre tableau, je reprendrais ces termes pour parler d'un conservatisme intégral : celui caractérisant à la fois le libéralisme classique et le conservatisme des mœurs. Pour montrer l'écart qui existe entre Adam Smith (1723-1790) et Friedrich Hayek (1899-1992), soit la réalité qui sépare le libéralisme classique du néolibéralisme, je ferai le même rappel que Murer au cours de l'entretien que j'ai retranscrit-résumé plus haut : il y a, du côté du libéralisme classique, la volonté de limiter l'État à ses fonctions régaliennes ; du côté du néolibéralisme, le souci de maintenir un filet de sécurité sous forme d'aides et d'allocations, par peur, dans le cas contraire, que le peuple ne se révolte (aspect du discours qui me fait voir une complicité profonde entre la droite modérée et le socialisme, et raison pour laquelle le néolibéralisme se trahit, dès lors, comme le cheval de Troie du socialisme à l'échelle mondiale).
Par ailleurs, la clarification qui permettrait d'aller au-delà des informations contradictoires surgissant, ici et là, au détour des différents débats entre tenants du libre-échange et tenant du protectionnisme, c'est Gave qui l'avait encore faite à l'occasion de son dossier sur l'industrie et la désindustrialisation, ce en définissant trois priorités, que je répète ici, la première de ces priorités étant de produire ce dont nous avons besoin, la deuxième étant d'exporter ce que nous produisons en trop, la troisième étant d'importer ce que nous n'arrivons pas à produire. En comprenant, dans une optique conservatrice, que le libre-échange et le protectionnisme ne sont pas des valeurs absolues mais des leviers relatifs, et en suivant ces trois priorités, il est possible de se réclamer à la fois du nationalisme français et du libéralisme classique de manière cohérente.
Enfin, le dernier élément par lequel je souhaite ici transposer les données de cet entretien dans ma démarche de réhabilitation et de promotion d'une extrême droite française (contrairement à Murer et à Gave, qui sont des modérés même si, on vient de le voir, nous avons des points communs), ce dernier élément concerne le lien qu'il me reste à expliciter entre la tradition du nationalisme français et l'exemple, dont nous pouvons nous inspirer pour l'intégrer à notre tradition au service des intérêts de la France, donné par une lignée de présidents américains allant de Richard Nixon (1913-1994) à Donald Trump en passant par Ronald Reagan, tout en excluant la famille Bush car trop impérialiste.
Il ne s'agit pas, en les citant comme sources d'inspiration, de vouloir servir des intérêts américains. Il s'agit de reconnaître que, si nous avions en France des hommes politiques déterminés à servir nos intérêts nationaux comme Nixon, Reagan et Trump étaient déterminés à servir les intérêts des États-Unis, de tels hommes seraient certainement dignes de la tradition nationaliste française. On comprend mieux, dès lors, l'intérêt de s'attacher à l'élaboration théorique et pratique d'un modèle politique d'extrême droite ultra-capitaliste pour aller plus loin que les exemples cités dans la radicalité politique et économique (ultra-capitaliste non pas au sens mondialiste du terme, mais au sens, nationaliste français, d'un marché d'intérêt national de l'envergure de nos frontières voire au-delà et, si au-delà, toujours dans notre intérêt propre et de façon à construire des relations commerciales solides avec l'extérieur).