Le dossier complet sur l'industrie et la désindustrialisation écrit par Charles Gave est consultable et téléchargeable sur le site de l'Institut des Libertés. Fidèle aux habitudes que j'ai prises sur ce forum, je me permets de le compléter par un résumé et une transcription des vidéos (en fait, un format intermédiaire entre ces deux approches). Je m'aperçois que, jusqu'à présent, j'ai relativement peu de commentaires personnels à faire sur les sujets économiques et financiers car, quand je relis mes notes, je suis assez d'accord avec le contenu en question.

Cela tient en partie au fait que l'analyse économique, même partiale, est plus objective que le positionnement politique par rapport à des sujets d'actualité, auxquels s'appliquent des grilles de lecture influencées par le militantisme. C'est aussi parce qu'il est plus difficile de reprendre une expertise économique et financière, à plus forte raison quand elle est logiquement argumentée comme c'est le cas avec Gave, car le domaine est plus technique. On a toujours à apprendre de quelqu'un qui a une telle expérience des marchés à l'international, tout en connaissant bien la situation en France.

Le dossier de l'industrie et de la désindustrialisation a été l'occasion, pour l'auteur, de mettre en relation différents concepts développés dans ses interventions précédentes, tels que ceux de masse monétaire, d'inflation ou de déficit des comptes, le but étant d'essayer de comprendre pourquoi la France, ancienne puissance industrielle, s'est désindustrialisée pour arriver aux 9 % que représente, dans notre économie, l'industrie actuelle. Gave s'intéresse depuis longtemps au contexte qui a amené ce problème, comme le montre par exemple son ouvrage intitulé Des lions menés par des ânes, paru en 2003.

Puisque désindustrialiser revenait, à terme, à faire baisser la rentabilité des affaires et à détruire la marge entrepreneuriale, quel était donc le but des politiques français ? Leur but était d'accroître le rôle de l'État dans l'économie, sous l'emprise d'un aveuglement idéologique, celui qui consiste à voir dans le secteur privé le problème et dans l'État la solution. Une autre cause à déplorer est celle de l'ENA : les énarques connaissent, comme des autistes, le fonctionnement des rouages de l'État, mais ne connaissent rien au monde dans lequel nous vivons.

Il faut d'abord comprendre les mécanismes qui ont amené la désindustrialisation. L'Insee publie, depuis les années 1950, les données concernant la marge brute d'autofinancement des entreprises. On peut simplement définir cette marge, qui permet d'investir, comme ce qui reste au milieu des coûts (l'argent qui sort) et des ventes (l'argent qui rentre). La marge brute d'autofinancement des entreprises est passée de 30 % au début des années 1970 à 20 % en 2023. Les entreprises ont donc perdu un tiers de leur marge, ce qui s'explique, causalement, par une hausse de l'État allant de pair avec la baisse des entreprises.

À ce phénomène s'ajoute le coût des sièges sociaux en France, comparable au poids de l'administration, dysfonctionnel, dans les hôpitaux français. Or, un tel coût nécessite une rentabilité d'autant plus grande, que ce dysfonctionnement, par définition, ne peut générer, car l'administration n'est pas productive. Plus grave encore, les administratifs déclinent toute responsabilité. Ce qu'ils gèrent, ils le gèrent pour eux-mêmes et non pour la France, tout en accusant de tous les maux le capitalisme, le libéralisme, le libre-échange et la mondialisation. D'où leur éloge systématique du protectionnisme.

Pourtant, quand on compare la France et la Suède, deux pays situés en Europe avec les mêmes contraintes règlementaires européennes, on s'aperçoit que la Suède, ayant pour objectif de faire monter la marge brute de ses entreprises (dont H&M et Ikea) dans le cadre du libre-échange, est capable de concurrencer la Chine et même les États-Unis, ce au moins depuis 1992. Avant le développement des GAFAM, il y avait trois suédois parmi les dix hommes les plus riches du monde. Un autre facteur aggravant, en France, a été et demeure le coût de l'immigration.

Or, Gave a tendance à relativiser ce point : pour lui, les politiques économiques menées en France portent une plus lourde responsabilité que l'immigration dans le fait que, contrairement à la Suède qui s'est littéralement envolée (sa dette étant passée de 80 % à 35 % en vingt ans), la France s'est enfoncée (sa dette étant passée de 35 % à 110 % en vingt ans). Certes, présentée ainsi, la responsabilité des politiques économiques semble plus lourde. Pour autant, faut-il écarter totalement l'impact négatif de l'immigration ? Non à mon avis, car non seulement l'immigration non contrôlée, du fait de sa misère, ne crée pas de richesse en France, mais en plus elle nous appauvrit car elle profite des aides de l'État.

En Suède, la répartition s'appuie sur un contrôle local (favorisant la confiance), contrairement à celle de la France, qui dépend avant tout de Paris (favorisant la méfiance et, avec elle, un capitalisme de connivence). D'où le cercle vicieux de la surveillance : moins le système fonctionne, plus le contrôle augmente, et plus les dysfonctionnements s'accentuent, entraînant un contrôle encore plus poussé. Dans ce contexte, la France apparaît comme un pays sous l'emprise d'une idéologie fondamentalement hostile à la liberté, au risque et au succès.

Les graphiques sur la marge brute d'autofinancement des entreprises en pourcentage du PIB depuis 1992 montrent que, pendant que la France perdait 5 points de rentabilité, la Suède en gagnait 5. Un autre graphique, utilisant la méthode des moindre carrés (minimisant les différences entre la tendance statistique et chacun des points), confirme cette divergence entre l'évolution de l'économie suédoise et celle de l'économie française, ce qui, concernant cette dernière, a des effets dissuasifs non seulement pour les entrepreneurs locaux, mais aussi pour les investisseurs étrangers.

De plus, on s'aperçoit que, les deux pays cités se retrouvant à 100 en production industrielle au cours de l'année 1992, la politique du franc fort, une erreur orchestrée par Jean-Claude Trichet, a eu pour effet une hausse de la production industrielle française jusqu'à 106 seulement depuis lors, tandis que la Suède a explosé à 166. Ce point montre, lui aussi, que l'écart entre les deux exemples n'a rien à voir avec la concurrence internationale, ni avec la Chine : il s'agit, fondamentalement, d'une volonté de destruction de l'appareil industriel français ou, tout du moins, de la souveraineté de notre pays.

Cette perte de souveraineté, en effet, a servi au monde anglophone qui ne voulait pas que la France continue à peser dans les relations internationales, dont au Moyen-Orient. De ce point de vue, la classe politique française s'est rendue complice de l'hégémonie américaine. La formule "en même temps" d'Emmanuel Macron en est une illustration, car il se comporte comme étant à la fois du côté des États-Unis et du côté des BRICS, tout en voulant éviter de fâcher les syndicats français, or ce n'est pas possible : il faut choisir une ligne politique cohérente.

Éric Zemmour ne se rend pas davantage compte de l'écueil que représente le protectionnisme, car son analyse ne lui permet pas de voir que la rentabilité du capital investi est insuffisante. La conséquence des mauvaises politiques économiques françaises est que le PIB par habitant va continuer à baisser dans notre pays, d'où, à terme, une chute du niveau de vie. Précédemment, cette baisse était compensée par l'augmentation de la dette. Au contraire, une bonne gestion du commerce extérieur consiste d'abord à consommer ce que l'on produit, puis à exporter, enfin à importer, cet ordre des priorités contribuant à une amélioration du niveau de vie.

Dans le monde actuel, le déficit des comptes français ne cesse de s'aggraver. Les deux parties de la consommation française (ce que l'on gagne et ce que l'on emprunte) sont déséquilibrées (au détriment de ce que l'on gagne et au profit de ce que l'on emprunte). Automatiquement, il va falloir que la consommation française revienne à la production française, car personne ne va plus vouloir nous prêter d'argent. Encore une fois, quand le poids de l'État augmente, la marge d'autofinancement des entreprises diminue, l'État prenant l'argent des entreprises pour le donner à ceux qui ne travaillent pas. L'amélioration du niveau de vie dépend de la hausse de la productivité dans le secteur privé.

L'acte de production précède l'acte de consommation. La théorie keynésienne qui prétend l'inverse est illogique, mais pas un seul énarque n'est assez bien formé pour s'en rendre compte. L'économiste Alfred Sauvy (1898-1990), lui, était attentif à la réalité. Il ne faut pas stimuler la consommation pour que la production augmente (contrairement à ce que prétendent les Roselyne Bachelot, Ursula von der Leyen et consorts, cette dernière, au passage, s'étant enrichie grâce aux vaccins), mais l'inverse, car il n'est possible de consommer que ce qui est produit.

C'est pourquoi il faut parler aussi du pouvoir des fonctionnaires dans la destruction de l'industrie. Quand on reprend l'historique de la désindustrialisation, on s'aperçoit en effet que, avant l'arrivée des socialistes au pouvoir en 1981, la montée de la production industrielle et celle du PIB se tiennent. Depuis que les socialistes sont arrivés au pouvoir, la montée du PIB ne prend plus racine dans l'industrie : l'écart se creuse entre les deux. Première grande crise : le socialisme (à partir de 1981). Deuxième grande crise : Jean-Claude Trichet et la politique du franc fort (à partir de 1992). Troisième grande crise : la création de l'euro (à partir de 2000). Quatrième grande crise : Mario Draghi, les taux à 0 et les taux négatifs (à partir de 2012). Cinquième grande crise : le Covid-19 (à partir de 2019). À chaque fois, les politiques français ont prétendu pouvoir résoudre la crise en s'attaquant à l'industrie ; maintenant qu'il n'y a plus d'industrie contre laquelle s'attaquer, ils veulent s'en prendre aux propriétaires d'appartements.

Pour l'économiste Thomas Sowell, les solutions n'existent pas : il n'y a que des négociations. Il faut l'entendre dans le sens où, pour qu'il y ait une industrie en France, cette industrie a besoin d'être rentable. Le problème vient de l'idéologie qui consiste à regarder l'argent de l'industrie comme de l'argent sale. Après avoir pris cinq fois l'argent de l'industrie pour le redistribuer, les politiques français se retrouvent sans industrie. Par conséquent, ils n'ont aucune crédibilité, avec leur État obèse, quand ils parlent d'un État stratège capable de réindustrialiser.

Pour réindustrialiser, il faut que les industries gagnent de l'argent. Une industrie subventionnée ne peut fonctionner, car elle contribue à l'augmentation de la dette. Le principe de base de toute politique industrielle doit être le suivant : ceux qui ne font pas de profit ont vocation à disparaître. Le résultat du conditionnement idéologique des mauvaises politiques menées est que les Français, dans la rue, sont toujours persuadés, à tort, que les entreprises font trop de profit. C'est aussi le résultat des discours de gauche sur le climat, qui alimentent une situation de pénurie en faisant barrage aux recherches sur les nouvelles sources d'hydrocarbures. Le rôle de l'État ne doit pas être de s'occuper de production, mais, limité à ses fonctions régaliennes, d'assurer la protection des biens et des personnes.

En des termes absolus, la production industrielle française en 2023 est au même niveau qu'en 1994-1995. Après la fin de la présidence de François Mitterrand (1916-1996), Jacques Chirac (1932-2019), Nicolas Sarkozy et François Hollande nous ont amenés à une stagnation de la production industrielle, ce qui semble extraordinaire. Ce phénomène est à mettre en rapport avec le fait que, chez les hauts fonctionnaires français, l'industrie est assimilée à une activité polluante dont les profits, toujours de leur point de vue et comme par revanche, doivent être taxés.

Prenons l'exemple de la Générale des Eaux. Il fut un temps, elle représentait la domination française mondiale sur le marché du traitement et de la vente des eaux. Avec Jean-Marie Messier, c'est comme si un cheval de course s'était transformé en Boulonnais. Quand on reprend les cinq dates critiques citées plus haut, la conclusion reste la même : la décision revient toujours à envisager l'ajustement par l'industrie, qui se retrouve, en définitive et à cause de cette politique, avec de moins en moins d'argent, de moins en moins d'effectifs, de moins en moins de pouvoir.

Que s'est-il passé pendant les années 1970 ? Entre 1973 et 1980, le prix du pétrole est passé de 2 dollars le baril à 30 dollars le baril. D'où une augmentation gigantesque des impôts pour les entreprises, du fait même de leurs besoins en énergie (puisque l'économie, c'est de l'énergie transformée). La marge brute d'autofinancement et donc la rentabilité des entreprises s'écroulent. Les socialistes, dès leur arrivée au pouvoir, veulent achever l'industrie en nationalisant les groupes industriels et les banques. Malgré ses défauts, Valéry Giscard d'Estaing (1926-2020) avait au moins accéléré le programme nucléaire français en vue d'une indépendance énergétique. En augmentant les charges des entreprises, Mitterrand a fait tout le contraire.

Cette politique entraîne alors la chute du franc français, ce qui a pour effet inattendu (chez les socialistes toujours) de relancer les entreprises françaises à l'export. Dans leur inconséquence, les politiques réagissent aussitôt en bloquant le change. La marche industrielle française s'écroule encore quand, Trichet une fois à la tête de la Banque de France, il décide de fixer définitivement le franc au deutschemark, obligeant l'industrie française à se réformer, alors que l'État, lui, continue à croître, entraînant, pour l'économie française, une perte de 400 points de marge. La réunification allemande, comme les chocs pétroliers, se fit ainsi au détriment de l'industrie française.

Comparons la production industrielle allemande et la production industrielle italienne. Quand le deutschemark pouvait monter par rapport à la lire, les productions industrielles étaient parfaitement alignées. La gestion italienne étant moins efficace que la gestion allemande, les entrepreneurs italiens, payés avec des deutschemarks, s'en sortaient en payant avec des lires, mais seulement quand ils le pouvaient, les fonctionnaires d'Italie méridionale (la corruption résultant, par ailleurs, d'un État trop présent, ce qui est vrai ailleurs aussi, y compris en France). Les problèmes suivants sont apparus, comme chez nous, à partir du moment où les taux de change ont été bloqués. Quand l'ajustement par la monnaie est empêché, c'est le profit des entreprises qui en vient à ajuster pour ensuite s'écrouler, provoquant la montée du chômage et des dépenses fiscales. En 2023, la production industrielle italienne est plus basse qu'au début des années 1990.

Empêcher l'ajustement par les taux de change revient à dispenser l'État d'ajustement pour, à la place de celui-ci, obliger les entreprises privées en ce sens, ce qui correspond à une forme d'inversion accusatoire quand la situation se détériore à cause de la possibilité inflationniste, d'où le reproche récurrent formulé par une certaine presse contre les entreprises privées. Le discours qui présente le capitalisme en fautif et l'État en sauveur, bien qu'erroné, se répand ainsi auprès du grand public. Qui plus est, la suffisance des adeptes de la doxa politicienne ambiante fait que, dans le meilleur des cas, ils vont présenter un avis contraire au leur (comme celui d'André Bercoff) sous le jour d'une erreur qu'il leur appartient de corriger par l'éducation, sans prendre en considération l'expérience de Bercoff ni le fait qu'il soit suivi par de nombreux auditeurs.

Les politiciens qui, les uns après les autres, ont mis à mal l'industrie, ne voient pas plus loin qu'un zadiste, quand ils entendent résoudre le problème du chômage en créant des emplois dans la fonction publique, parce que, contrairement à l'économiste Frédéric Bastiat (1801-1850) qui voyait déjà plus loin qu'eux, ils ne se rendent pas compte que les fonctionnaires amènent : une augmentation des impôts ; une baisse du niveau de vie du fait de l'impact sur la consommation par ailleurs ; la mise au chômage de trois personnes dans le privé à chaque nouvel emploi créé dans le public ; une dépense prise sur 60 ans pour chaque nouveau fonctionnaire ; le mécontentement des fonctionnaires malgré les avantages dont ils bénéficient ; le fait que personne ne vérifie la valeur ajoutée du travail des fonctionnaires, qui est pourtant sa seule raison d'être. Enfin, pourquoi y a-t-il plus d'emplois administratifs dans le Gers que d'agriculteurs ?

Puis vient la crise de l'euro. Que fait Draghi ? Comme l'industrie est déjà entravée, il décide de s'attaquer aux banques en mettant les taux d'intérêt à zéro. Pourtant une banque n'est pas une ONG : il est légitime qu'elle se rémunère, ne serait-ce que pour payer les salaires de ses employés. Aux États-Unis, il y avait déjà eu la faillite de Lehman Brothers et la crise de 2008. Puis, en Europe, Draghi s'en prend donc aux banques. Quel est le but ? Sauver un monstre financier : l'euro. Aujourd'hui, aussi curieux que cela puisse paraître, les banques sont à un niveau plus bas qu'en 1994.

Ceux qui prétendent que les banques gagnent trop d'argent ne font qu'avaliser une idée reçue. Certes, les banques créent de la masse monétaire, mais c'est leur travail. Au Moyen Âge, les bouchers se transformaient en banquiers parce que leurs clients effectuaient des dépôts chez eux. Ils se rendaient compte que, quand ils faisaient un prêt, ils créaient de l'argent à partir de celui des dépôts qui ne leur appartenait pas. Cet argent était ensuite détruit au fur et à mesure du remboursement, ce qui n'avait pas d'effet sur le long terme.

Le schéma est le même aujourd'hui : soit l'argent est détruit par une mauvaise affaire et l'incapacité de rembourser, soit il est détruit (en tant que création monétaire) par le remboursement même. L'État, lui, n'est pas une entreprise qui va rembourser nos 3000 milliards d'euros de dette. Il y a, dans ce cas-là, une création monétaire complète et inflationniste en plus de la création monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). Mettre les taux d'intérêt des banques à un niveau où elles ne peuvent faire faillite revient à les inciter à générer du profit, de manière détournée, en empruntant à des taux négatifs, pour chercher une compensation via l'achat d'obligations dans un pays plus avantageux. Résultat : l'euro survit au prix d'une dépendance des banques qui, cessant d'être des acteurs sur un marché, entrent par la BCE dans un capitalisme de connivence hypertrophié.

Quand on reprend la comparaison entre la Suède et la France, on se dit que, dans le cas de cette dernière, il y avait décidément une volonté de détruire notre industrie. Sinon, comment expliquer que la Suède s'en sorte nettement mieux que la France avec les mêmes contraintes européennes ? Pour le professeur Didier Raoult, il y a deux types d'organisations collectives : celles basées sur l'obéissance, et celles basées sur les compétences, distinction que Gave avait déjà mentionnée et analysée dans un article publié sur le site de l'IDL en février 2023.

L'industrie et le commerce, faisant face à une clientèle qui leur achète ou non leur marchandise, sont basés sur les compétences. Ils ont pour ennemis naturels les fonctionnaires, dont le statut est basé sur l'obéissance. Investis d'un pouvoir de violence décrété légitime, les fonctionnaires continueront à tout faire pour détruire l'industrie et le commerce, expliquant la fuite des cerveaux français à l'étranger. La France est un pays qui compte une dizaine de chaînes de télévision d'État, donnant l'illusion de la concurrence alors que toutes ces chaînes tiennent le même discours.

Le but de la classe dirigeante suédoise était de créer de la richesse, celui de la classe dirigeante française d'empêcher cette création, ce afin de maintenir une classe d'esclaves résignés. Paradoxalement, dans une économie prospère, la population en profite, même si le but premier des entrepreneurs n'est pas de s'occuper d'autrui. Une autre notion essentielle, propre à une économie florissante, est celle de l'épargne, qui met de l'argent de côté pour financer des activités n'ayant pas de rentabilité immédiate mais appelées à devenir rentables (à la différence des investissements immobiliers, qui transfèrent de la richesse sans en créer).

En 1992-1993, la Suède avait un déficit budgétaire monstrueux, correspondant à 10 % de son PIB. Contrairement à nous, elle a pris les mesures qui s'imposaient. Aujourd'hui, elle se maintient généralement en situation d'excédent budgétaire, alors que nous, en France, sommes tout le temps en déficit, la dette que nous devons rembourser à l'étranger (puisque c'est un autre pays qui, à 50 %, détient notre dette, peut-être le Qatar) n'étant que la somme de nos déficits successifs, lesquels continuent à nous appauvrir tout en renforçant notre dépendance financière vis-à-vis de nos créanciers à l'extérieur de nos frontières. Contrairement au système socialiste dans lequel la France est enfermée, le libéralisme fonctionne car il possède, lui, des mécanismes auto-correcteurs.

La France est dans une trappe à dettes : si votre salaire augmente de 2 % par an et que vous remboursez une dette qui augmente de 5 % par an, l'écart finit par se creuser jusqu'à un point de rupture. Aujourd'hui, en France, la dette et les taux d'intérêt sont en train de passer au-dessus du taux de croissance du PIB. La dette va encore augmenter, alors qu'elle est déjà à 110 % du PIB, d'où une baisse évidente du niveau de vie de la population, sans compter l'inflation qui impacte le pouvoir d'achat, lequel va probablement baisser de 0,5 % par an au cours des dix prochaines années.

La situation politique s'annonce explosive, si elle ne l'est pas déjà, avec soit un horizon de mise sous tutelle comparable à celui de la Grèce au sein de l'eurozone, soit un scénario de sortie de l'euro et de sortie politique difficilement envisageable. Quoi qu'il en soit, une politique socialiste se termine toujours mal, comme on l'a vu en Argentine, au Venezuela, à Cuba et dans l'Angleterre travailliste. Vu l'état actuel de notre pays, il faudrait que nous touchions le fond de la déshérence pour arriver à nous détourner de l'Europe et chercher des partenariats avec la Chine ou avec la Russie.

Dans ce contexte, les cryptomonnaies, dont le bitcoin, peuvent avoir un effet sur le système opérationnel qu'est la monnaie, mais pas sur l'économie, car elles sont trop petites en comparaison. Faut-il une faillite de la France comparable à celle qu'avait connue la Suède en 1992, pour que notre pays retrouve sa grandeur ? Il faut, en tout cas, sortir de l'euro car il n'y a pas d'amélioration possible à l'horizon d'une mise sous tutelle. Les Français, affranchis de l'Union Européenne, devront ensuite prendre les bonnes décisions politiques. Ils ont, dans l'état actuel, besoin d'une révolution culturelle pour comprendre que la solution doit venir d'eux et non de l'extérieur. Ce n'est qu'à cette condition qu'ils éviteront de retomber dans une économie socialiste, et que nos entreprises privées redeviendront le moteur de notre économie.

La partie des vidéos consacrée aux questions des auditeurs donne également lieu à des réflexions profondes. Aujourd'hui, la baisse du niveau d'éducation et de civisme qu'entraîne une mauvaise gestion politique de l'économie et des finances est telle que, malgré vingt siècles de christianisme ayant démontré l'innocence des victimes, une partie de la population, sous l'impulsion des administratifs médiocres ayant imposé leur volonté commune aux élus, en revient à un schéma de bêtise collective axé sur la recherche d'un bouc émissaire, actant ainsi une régression civilisationnelle.

Par ailleurs, il s'agit de comprendre que l'écologisme punitif (lequel préoccupe surtout la Californie et les pays européens hélas sous influence californienne, dont la France) n'a pas pour but de régler un quelconque problème de réchauffement climatique, mais de suivre un schéma idéologique imitant une religion, avec : une référence factice à une planète déifiée ; des intermédiaires (dont Al Gore) se voyant eux-mêmes en dieux et qui, estimant qu'ils ne sont pas encore au sommet qu'ils veulent atteindre, ne supportent plus, dans leur hystérie, de voir que les populations décrétées coupables, qu'ils jugent inférieures à eux, continuent pourtant à prendre l'avion et la voiture.

Enfin, il ne faut, encore une fois, se faire aucune illusion au sujet de Marine Le Pen. De toute évidence, elle et son entourage n'ont pas une meilleure compréhension de l'économie que leurs concurrents : elle a déclaré que l'inflation était due à la hausse des marges des industriels, et que celle-ci avait donc été importée, d'où son idée de mettre en place un protectionnisme. Comment serait-ce viable, alors que nous sommes déficitaires non seulement dans l'industrie, mais aussi dans notre production agricole ? Et qu'il n'y a pas un seul cas de pays qui se soit enrichi grâce au protectionnisme ? Rappelons que l'Union Européenne ne permet pas la préférence nationale. De plus, si nous taxons les produits que nous importons, les produits français exportés seront taxés en retour. Et puis, avec une industrie française représentant 9 % de notre PIB contre des achats industriels représentant 25 % du même PIB, le protectionnisme accélèrerait la régression de notre qualité de vie.

Quand je croise les informations contradictoires au sujet du protectionnisme, je m'aperçois que les malentendus éventuels viennent du fait que le protectionnisme, soit l'ensemble des barrières politiques envisagées en faveur de l'économie nationale, est parfois défini ou perçu dans une acception absolue. Je ne pense pas que le protectionnisme, pris dans une acceptation relative, soit fondamentalement incompatible avec le libéralisme classique. Tout dépend de la place et de l'importance qui lui sont données dans une politique économique libérale classique (donc conservatrice).

Je donne un exemple : plus haut, Gave présente trois priorités à suivre, la première étant de produire ce dont nous avons besoin, la deuxième étant d'exporter ce que nous produisons en trop, la troisième étant d'importer ce que nous n'arrivons pas à produire. Cet ordre prioritaire fait appel, sans le dire, au levier protectionniste dans un cadre libéral classique. L'erreur de Marine Le Pen est de mettre ce terme en avant sans précision, non par malentendu en l'occurrence, mais parce qu'elle s'aligne malheureusement sur un consensus culturel. Pourtant, aussi creux que soient ses propos, il y a pire qu'elle en pensée, en parole et en action : Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon le franc-maçon, les socialistes, les écologistes, la droite gaullienne desdits Républicains, etc. Pire encore : je ne vois pas moins mauvais qu'elle et son parti, pour l'instant, dans le paysage politique français ayant des chances d'arriver au pouvoir. C'est tout le dilemme du vote réaliste.

Cela veut dire aussi que Gave a parfaitement raison dans son analyse. Marine Le Pen pense qu'en empêchant le déficit commercial, il n'y aura pas d'inflation. Elle n'a donc pas compris que l'inflation est monétaire. Dans une période d'inflation, les marges montent, donc les entreprises font bien monter leurs prix. Avec une inflation à 0, si l'on achète un bien en capital 100 que l'on veut amortir sur 10 ans, on amortit à 10 chaque année. S'il y a une inflation et que le bien qui valait 100 vaut 200, le prix de vente doit incorporer le fait d'amortir à 20 par an, mais l'amortissement se fait toujours à 10 et les marges ainsi que les impôts montent, donc le profit s'écroule. Ce que ne voit pas Marine Le Pen, c'est le fait que l'inflation est une taxe sur le stock d'un capital mal amorti. En amortissant mal un stock de capital, on ne peut préparer l'avenir.

Autre point à comprendre, que rappelle Gave : une boulangerie de village qui arrive à nourrir chaque habitant avec une baguette par jour ne va pas forcément, en embauchant un salarié supplémentaire ou en achetant une machine supplémentaire, produire deux baguettes par jour par habitant. Plutôt que d'investir en interne, une entreprise peut voir son intérêt, lors d'une assemblée générale, à réallouer le capital en le distribuant aux actionnaires. C'est ainsi que fonctionne le capitalisme : en faisant en sorte que monte la rentabilité marginale du capital investi. Si elle ne monte plus dans une boulangerie, on peut la mettre dans un salon de thé. En France, on a encore tendance à penser que seul le salarié crée la richesse. Or, c'est aussi une idée reçue, car le profit, pour une entreprise, peut venir d'une hausse du coût des matières premières. Le problème de donner toujours plus de capital à l'État tient au fait que ce dernier ne peut se retrouver en faillite. La croissance a besoin de l'épargne, du travail et de la capacité à prendre des risques. L'échec est donc nécessaire au succès du capitalisme.