Les tribunaux d'Hitler est un film documentaire historique réalisé en 2023 par Jean-Marie Barrère et Marie-Pierre Camus, avec la participation de spécialistes (l'avocat Joachim Kerth-Zelter, l'historien Johann Chapoutot, l'historien Christian Ingrao, la juriste Aurore Gaillet, le journaliste Klaus Hillenbrand) et diffusé la même année sur Arte, en coopération avec la fondation pour la Mémoire de la Shoah.

Pour imposer leur vision à l'Allemagne, les nazis ont dû occuper le terrain du droit, en présentant ce dernier comme une arme de légitime défense de la race. L'homme disparaît comme sujet du droit pour être remplacé par la communauté du peuple. Il faut comprendre comment le droit et la justice sont devenus l'arme de l'entreprise nazie. Au cœur des tribunaux d'Hitler se trouvent des juristes et des magistrats.

Le but est de mettre au pas l'institution judiciaire. Parmi les protagonistes, on peut citer, du côté des adversaires d'Adolf Hitler : Lilo Gloeden née Kuznitsky, juriste, ainsi que Hans Litten, avocat démocrate ; du côté nazi : Werner Best, juriste, ainsi que Johann Reichhart, bourreau sous la République de Weimar puis sous le Troisième Reich. En 1931 s'opère un tournant qui révèle l'importance du droit pour les nazis.

Dès le début des années 1920, le parti nazi mène des batailles contre l'institution judiciaire. Sa milice ou section d'assaut (SA) lui donne une présence dans la rue, assassinant ses opposants (dont les communistes), ce qui est un défi ouvert à la République de Weimar. Les auteurs, pour une partie d'entre eux, sont traduits en justice du fait de leurs violences politiques (deux mille procès en huit ans).

Le 8 mai 1931, Hitler lui-même est convoqué, ce qui étonne toute l'Allemagne. Quand le leader de l'extrême droite se retrouve au tribunal, l'agitation s'empare des rues de Berlin. Litten est à l'origine de l'affaire, déjà familier, à vingt-sept ans, des procès contre les nazis. Son but est de montrer qu'Hitler représente une menace pour les institutions. Des SA ont tiré sur des communistes dans un dancing berlinois.

Huit mois plus tôt, Hitler prêtait serment devant le Tribunal du Reich de Leipzig, jurant de respecter la loi et de ne jamais recourir à la violence. Litten veut donc prouver qu'Hitler, en tant que chef du parti nazi, est responsable des exactions commises par la SA. C'est ainsi qu'Hitler se voit convoqué et assigné à la barre, et les Allemands savent qu'il risque gros. Le 8 mai 1931, il y a foule au tribunal.

Litten possède un document signé par Joseph Goebbels, chef de la propagande, proche d'Hitler. Dans cette brochure, Nazi-Sozi, Goebbels donne des directives aux militants sur la manière dont ils doivent se comporter. Ainsi, il est écrit : "Nous voulons libérer l'Allemagne, et rien d'autre. Si le peuple n'est pas d'accord pour qu'on le libère, nous le ferons sans son consentement".

Plus loin, il est écrit : "La volonté d'être au pouvoir engendre les moyens nécessaires à ce pouvoir". Confronté à ces déclarations pendant l'audience, Hitler se retrouve en difficulté, obligé de prendre de la distance par rapport à Goebbels et de dire que le texte n'est pas estampillé par le parti. Sa ligne de défense consiste à présenter ce dernier comme légaliste et destiné à le rester toujours.

Dans l'attente du verdict, l'Allemagne retient son souffle. Kuznitsky a également suivi les détails du procès, avec son frère journaliste. Le musée juif de Berlin a consacré un casier à la juriste démocrate. Le portrait qu'en fait le documentaire montre la République de Weimar sous le jour de l'émancipation de la population, y compris des femmes. Je dirais : qu'en était-il de sa viabilité économique dans la durée ?

En effet (et le film ne fait pas cette parenthèse pourtant importante), si la République de Weimar était aussi brillante que le prétendent ses partisans, comment le régime nazi aurait-il pu s'imposer ? Malgré tout l'intérêt du documentaire, ce dernier passe sous silence un aspect crucial du problème : le fait que l'Allemagne était alors un pays en crise, ce qui contribue à expliquer l'émergence du nazisme.

Les nazis sont donc présentés par Barrère comme une menace pour la démocratie. Entendue dans son acception républicaine et parlementariste, la perspective démocratique ainsi définie apparaît en effet comme s'inscrivant dans une relation antagoniste avec l'extrême droite, et il ne s'agit pas de nier cette dichotomie, ni la combativité du nazisme. Cependant l'explication est trop réductrice, trop incomplète.

Certes, une partie de la population pouvait trouver un avantage dans les institutions de Weimar, mais globalement un projet politique solide ne repose pas seulement sur le droit (bien que ce soit le sujet principal du film) : il dépend aussi des conditions économiques, financières et matérielles susceptibles de garantir l'orientation juridique défendue. Or, c'est surtout cette partie qui devait poser problème sous Weimar.

Je ferai un rapprochement avec ce que nous vivons dans le monde en 2023, dont les médias occidentaux (surtout dans un pays comme la France, sous la présidence d'Emmanuel Macron dans la lignée de ses prédécesseurs) sont obnubilés par les questions dites de droit civique (d'où, d'ailleurs, un documentaire comme celui-ci), alors que les décisions prises en économie suscitent la contestation politique.

Cette parenthèse étant faite, je reviens au résumé du film. Depuis l'ouverture du procès, Litten pense que sa sécurité est menacée par les militants nazis et que les rues ne sont plus sûres pour lui. Quant à Hitler, Leo Rosenthal aurait pris des photos du chef de parti pendant sa comparution, interprétées par les démocrates comme révélatrices de la déroute s'emparant de l'accusé au cours de la confrontation.

Pourtant, le verdict rendu est clément : des peines légères pour les SA, et aucune suite pour Hitler. Les éditorialistes y voient un signe de la bienveillance des juges conservateurs. Quelques jours plus tard, un tout autre événement passionne l'Allemagne : la sortie du film M le maudit de Fritz Lang. Le thème des tribunaux sauvages populaires désignerait clairement, selon la critique, la conception nazie du droit.

À l'automne 1931, une nouvelle affaire éclate. Pendant que Litten et Hitler s'affrontaient, Best, alors jeune militant nazi, rédigeait un projet de coup d'État pour contrer la menace communiste. Après sa thèse de droit, il adhérait au NSDAP, le parti nazi, faisant partie de cette jeunesse d'extrême droite radicale s'imposant progressivement dans les universités, juge assesseur dans la Hesse, sa région natale.

C'est dans la solitude de son bureau, après ses journées de travail, qu'il mettait au point son plan de coup d'État. À l'automne 1931, les textes fuitent dans la presse sous le nom de Documents de Boxheim. Le scandale éclate. Quelques jours plus tard, c'est avec appréhension que Best se rend à Munich pour y rencontrer Hitler. Pourtant, le chef de parti tient compte de la conformité activiste de l'acte.

Au fond, Hitler appelle de ses vœux ce genre d'attitude. Il fait observer au jeune militant que celui-ci aurait pu éviter une telle erreur tactique, surtout à l'approche des élections, tout en reconnaissant que, dans la pratique, c'est ainsi qu'il faut procéder. Hitler vient donc publiquement à la rescousse de Best, même si le leader nazi, à la base, nourrit une antipathie récurrente à l'encontre des juristes.

Hitler, dans ses discours, se dit en effet plus proche des paysans et des ouvriers allemands. Le métier de juriste n'en reste pas moins profondément ancré dans l'histoire allemande, et c'est même une voie royale pour accéder aux plus hautes fonctions, y compris politiques. Les juristes font donc partie des élites qui ne sont jamais loin du pouvoir. Hitler comprend son intérêt à traiter avec cette corporation.

Dans les universités, la génération montante est nationaliste et radicale, comme Best. Malgré son aversion initiale pour le populisme nazi, cette jeunesse finit par rejoindre ce dernier, en même temps qu'elle devient majoritaire dans les corporations étudiantes. C'est un lieu de recrutement idéal pour le parti à la croix gammée. À la fin des années 1920, ceux qui finissent leurs études ont peur du chômage.

Le documentaire évoque alors la crise de 1929. N'aurait-il pas fallu en parler plus tôt, en précisant la responsabilité, à son échelle, de la République de Weimar dans l'impact de la crise sur l'Allemagne ? Toujours est-il que le parti nazi est en mesure d'offrir des perspectives de carrière intéressantes aux jeunes diplômés en droit. Best perd son poste de juge mais rencontre la SS, la garde rapprochée d'Hitler.

Le chef des SS s'appelle Heinrich Himmler, et il recrute Best, lequel devient SS à son tour. La SS (Schutzstaffel, ou escadron de protection) recrute principalement trois types de population : premièrement, des juristes ; deuxièmement, des managers et des ingénieurs ; troisièmement, des spécialistes en sciences humaines, tous combinant radicalité politique, excellence académique et fonctionnalité.

La plupart du temps, les recrutés constituent déjà une élite bureaucratique fonctionnelle, permettant à la SS de pénétrer les corps étatiques locaux ou fédéraux de l'Allemagne. À l'été 1932, la situation économique n'est pas bonne (nous y venons enfin, tant il est dommage que le propos n'ait pas, rappelons-le encore et toujours, insisté davantage sur cet aspect éclairant). Un Allemand sur trois est au chômage.

Voici, dis-je, la réalité de la soi-disant brillante République de Weimar, incapable de donner du travail à sa population. Parmi les chômeurs, Reichhart est le dernier représentant d'une lignée de bourreaux jadis prospères. Comme les exécutions n'étaient pas monnaie courante sous Weimar, Reichhart devait trouver d'autres moyens de nourrir sa famille (hôtellerie, vente de tracts religieux, fruits et légumes).

Le 10 juillet 1932, dans le train vers Munich, Reichhart rumine. Depuis qu'il s'est installé en Hollande pour son commerce, c'est seulement la deuxième fois qu'il est rappelé pour une exécution. Cette fois-ci, la condamnée sera une femme. Il va ensuite boire quelques bières en ville avec ses assistants, qui lui confirment que l'ambiance a changé depuis son départ, presque à la guerre civile à l'approche des législatives.

C'est donc sans amertume que Reichhart reprend le train vers la Hollande. Là-bas, sa femme est ses trois enfants l'attendent dans leur modeste appartement d'Amsterdam. Deux semaines plus tard, il apprend le résultat des élections. Avec 33,7 % des voix, loin devant les socio-démocrates, le parti nazi est devenu le premier parti politique du pays. En Allemagne, la nouvelle fait l'effet d'une bombe.

Il faut pourtant de longs mois de négociation pour que finalement, le 30 janvier 1933, le maréchal Paul von Hindenburg accepte de nommer Hitler chancelier. Le père de Lilo, Martin Kuznitsky, apprend la nouvelle en lisant le journal. Cette nomination d'Hitler au poste de chancelier, dont la presse reconnaît la légalité, annonce des jours sombres pour cette famille, qui décide pourtant de partir en vacances à la montagne.

Et puis, bien qu'il ait dû se résoudre à nommer Hitler, le maréchal Hindenburg préside encore le pays. C'est un héros de la Grande Guerre, et sa présence rassure. Les nazis ne sont que trois dans cette coalition de droite. Pourtant, le juriste Wilhelm Frick devient ministre de l'intérieur, et Hermann Goering ministre intérieur de la Prusse, le plus grand des Länder, des postes-clés pour contrôler la police.

Pour contenir les nazis, Hindenburg a nommé son allié conservateur Franz von Papen comme vice-chancelier. Parviendra-t-il à garder le contrôle de la situation ? Certains, comme Lilo, s'inquiètent de la banalisation du discours nazi, cependant qu'Hitler parcourt le pays, fort de sa nouvelle légitimité. Mais, dans la nuit du 27 au 28 février 1933, un incendie ravage le Reichstag, siège du parlement allemand.

Un suspect est arrêté : Marinus van der Lubbe, âgé de vingt-quatre ans. Il est communiste. L'Allemagne est sous le choc après l'incendie. L'arrestation providentielle d'un suspect communiste permet aux nazis de brandir la menace d'un complot. Immédiatement, Hitler obtient du maréchal Hindenburg la signature d'une mesure exceptionnelle : l'ordonnance pour la protection du peuple et de l'État.

Cette ordonnance accorde des pouvoirs presque illimités à l'exécutif, à l'administration et à la police. Les nazis lancent aussitôt une vague d'arrestations. Litten est conduit à la prison de Spandau. Pendant plusieurs jours, les arrestations se poursuivent, et des dizaines de personnalités rejoignent Litten derrière les barreaux : députés, journalistes, intellectuels, écrivains, la plupart s'opposant aux nazis.

Litten assiste à un court-circuitage de l'institution judiciaire telle qu'il la connaissait. Encore à notre époque, les adversaires de l'extrême droite considèrent que le 28 février 1933 marque la fin de l'État de droit en Allemagne. De mon côté, je me permets de faire observer que la notion d'État de droit est polysémique. Ainsi, cette date correspond plutôt à la remise en cause d'une certaine conception de l'État de droit.

Ce que veulent dire les commentateurs, quand ils parlent de la fin de l'État de droit, se base sur le constat d'une absence, désormais, de contrôle judiciaire : on peut être arrêté, placé en rétention administrative dans un camp de concentration pour une durée non motivée, non argumentée et illimitée. C'est ce qui arrive à Litten quand on le conduit au camp de Sonnenburg, placé sous contrôle de la SA.

Les gardiens du camp, membres de la SA, portent des brassards de policiers auxiliaires, preuve que, entre les acteurs classiques du judiciaire et du policier, d'une part, et l'arbitraire nazi, d'autre part, la frontière est désormais floue. Best, devenu conseiller juridique dans la SS, fait justement partie de ceux qui ont été chargés d'établir le cadre juridique de ces arrestations, à l'aide d'un document justificatif.

Ce document, la Schutzhaft nazie, s'inspire d'une Schutzhaft inventée avant l'arrivée du nazisme au pouvoir. Best fait partie d'une équipe à la fois judiciaire, policière et militante SS qui l'a remise au goût du jour pour l'intégrer à l'arsenal administratif et juridique du Troisième Reich. L'en-tête indique qu'il s'agit d'une décision de police, tout en portant la couleur mauve des décisions de justice, brouillant les pistes.

Trois semaines après cette première étape décisive, les nazis vont en franchir une deuxième : c'est dans un climat d'intimidation, renforcé par la présence massive de la SA, que le 23 mars 1933 a lieu la réunion du nouveau parlement. En s'appuyant sur des mesures d'exception, Hitler somme les députés de lui donner les pleins pouvoirs. Le lendemain, la loi est votée par 444 voix contre 94 : Hitler gouverne seul.

Pour les historiens hostiles au nazisme, c'est sans toucher à la constitution qu'Hitler a installé la dictature. Dès le lendemain, Frick, le ministre de l'intérieur, s'adresse à la nation dans une allocution filmée. La question qui se pose alors est : qui, aux yeux des nazis, peut légitimement se réclamer de la communauté allemande ? Je passe sur cet aspect, qui montre les dérives raciales de l'idéologie hitlérienne.

Dans mon va-et-vient entre le résumé-citation du documentaire et mes commentaires personnels, je tiens également à rappeler que, en tant que partisan d'une ligne ultra-capitaliste au sein de l'extrême droite, et appartenant à une génération nourrie de modernité et de post-modernité, je ne peux adhérer à la conception raciste qu'avaient les nazis de la politique. Ce qui m'intéresse, ce sont les stratégies.

En effet, on peut s'inspirer de mécanismes stratégiques pour nourrir des visions différentes de l'extrême droite. Il faut voir aussi (et c'est d'ailleurs un constat partagé, entre autres, chez les Cercles Nationalistes Français d'après ce que j'ai pu lire et entendre), que le problème des cultures ethniques en France ne se pose pas, historiquement, de la même façon qu'en Allemagne. La France est un pays plus ouvert.

Que la France soit, dans ses racines, un pays majoritairement blanc et qui devrait le rester, ou la volonté d'abolir le droit du sol et le regroupement familial, ou encore d'envisager une remigration, n'impliquent pas d'être nazi. Pour autant que le Rassemblement National arrive un jour au pouvoir, et à supposer qu'il en vienne à de telles mesures, il y a loin entre Adolf Hitler et Marine Le Pen. C'est un fait.

La Gefolkschaft est la troupe qui suit, avec une obéissance inconditionnelle, une fidélité absolue au chef. Cette définition, en soi, n'a pas d'implication raciale. Néanmoins, dans l'histoire de l'Allemagne nazie telle qu'elle s'est faite, la notion est devenue, par voie de conséquence, indissociable d'un projet où le peuple allemand ne se distingue plus de la race allemande, ce que Lilo apprendrait à ses dépends.

La Gleíchschaltung mise en place dès le 30 janvier 1933 (terme que l'on traduit par "mise au pas" mais qui signifie plutôt égalisation, indexation, synchronisation, mise en parallèle, centralisation, rationalisation et purgation) trouve un prolongement dans la loi du 7 avril 1933, permettant de purger le monde judiciaire en stipulant que tous les gens de gauche et les Juifs sont exclus de la fonction publique.

Ce qui vaut pour la fonction publique vaudra aussi pour les avocats, les notaires et les magistrats. On assiste alors à des milliers d'interdictions professionnelles, qui s'opèrent parfois violemment. En Prusse, Goering renvoie 28 % des hauts fonctionnaires. Autres cibles de la purge : les professeurs de droit dans les facultés. Le juriste Carl Schmitt approuve. En mai 1933, il adhère au parti nazi.

Fritz Lang, comme de nombreux autres, décide de quitter l'Allemagne. Tandis qu'il s'exile, il voit les intuitions de son film s'accomplir dans la réalité. En quelques mois à peine, c'est une avalanche de lois et de décrets qui s'abat sur le pays. Le projet nazi se met en place, et Hitler ne le porte pas seul. Outre Frick et Goering, Goebbels devient ministre de la propagande et Ernst Röhm chef de la SA (Sturmabteilung).

Himmler, lui, est chef de la SS et de la police bavaroise. Pour rassurer l'opinion, on a laissé le ministère de la justice au conservateur Franz Gürtner. On retrouve également des fidèles de la première heure, comme Hans Frank, ancien avocat d'Hitler, et Roland Freisler, secrétaire d'État en Prusse. Pour eux, le droit et la justice sont une arme à utiliser contre les ennemis de la nation et de la race allemandes.

Mon commentaire, à ce stade, traduirait une vision de l'extrême droite ayant en commun avec cette radicalité une façon d'envisager des moyens de lutte sur le plan légal. La différence principale est que la cible d'un régime politique en accord avec mes idées ne serait pas d'ordre racial. Par contre, je désapprouverais les francs-maçons, les personnes de mœurs déviantes, les immigrationnistes et la gauche.

Comme le dit le documentaire, si le droit est une arme, il lui faut des soldats. Freisler les appellera les divisions blindées du droit, un terme guerrier qui s'applique notamment à la jeune génération de juristes nazis. Des centaines d'étudiants en droit aux portes du diplôme prennent le train pour Jüterborg, à quatre-vingt-dix kilomètres de Berlin, s'entraînant physiquement pendant huit semaines dans un camp.

Dès 1933, Frank est nommé au gouvernement comme commissaire du Reich, pour la mise au pas de l'ordre juridique et du monde de la justice, appelé par ailleurs à présider l'académie du droit allemand de 1933 à 1942. Il s'agit de former des juristes, d'accompagner l'édition juridique, de préparer des projets de lois, mais ces fonctions prennent ici un sens particulier, puisqu'au service d'une idéologie nouvelle.

Au sein de l'académie, on trouve des professeurs de droit comme Schmitt, des philosophes comme Martin Heidegger, des magistrats, des juristes, et bien sûr Freisler. On trouve aussi des gens sans compétence juridique, nommés par simple calcul politique, des industriels ou des personnalités de renom. Frank se charge de donner le tempo. Sur le terrain, les hommes de loi voient leurs prérogatives remises en cause.

Certains dossiers contiennent des notes contre les procédés d'ingérence de la Gestapo, la police secrète d'État. L'indépendance des juges est menacée partout. Des tribunaux sont crées pour sanctionner de nouveaux délits définis par le dogme nazi. Par exemple, au vu de l'importance du Blud und Boden (le sang et la terre) dans l'idéologie, le régime s'intéresse à la transmission héréditaire des fermes.

Un plan de relance économique voit le jour pendant l'été 1933. L'Allemagne semble revivre, une Allemagne où l'ordre reste la priorité. Le 14 juillet 1933, le NSDAP devient le seul parti politique autorisé. Le 21 septembre 1933, on assiste, dans les règles, au procès des présumés incendiaires du Reichstag, mais seul Marinus van der Lubbe est condamné, suite à quoi sera crée un nouveau tribunal : le tribunal populaire.

Ainsi, le Volksgerichtshof est décidé le 23 mars 1934 dans le bureau d'Hitler, avec quatre juristes nazis. Le bon sens populaire doit tenir lieu de boussole. Hitler s'est affranchi de la justice ordinaire. Au printemps 1934, Hindenburg est agonisant. Du 29 juin au 2 juillet 1934, Hitler ordonne une série d'arrestations et d'assassinats contre les membres de la SA. Son but : rassurer pour prendre le pouvoir absolu.

Les élites et l'armée se méfient en effet de Röhm et de ses ambitions révolutionnaires. Goering et Himmler aident Hitler à mener l'opération nommée : "Nuit des longs couteaux". Best, travaillant avec Reinhard Heydrich, le second d'Himmler, mène la purge dans le sud de l'Allemagne. Sous les ordres d'Heydrich, il dirige le service de renseignement de la SS, le SD. Röhm lui-même finit abattu dans sa cellule.

Hitler se présente comme un véritable homme d'État et, selon ses propres termes prononcés au Reichstag le 13 juillet 1934 (reprenant un décret du 3 juillet 1934), comme le juge suprême du peuple allemand, les opérations de sauvegarde de l'État ayant un caractère légal, car bon pour le peuple. Pour Schmitt, le Führer protège le droit. Hindenburg mort en août 1934, voilà Hitler à la fois chancelier et président.

Après ce triomphe absolu d'Hitler, Best va continuer à monter dans la hiérarchie. La tournure des événements est aussi une réussite pour le bourreau Reichhart. Malgré l'aversion des nazis pour la Révolution française, Hitler apprécie l'efficacité mécanique de la guillotine. Le 2 avril 1935, Gürtner dresse un fier bilan de la Gleíchschaltung. L'étape suivante sera la biologisation du droit, dont on connaît les conséquences.