Que peut-on dire, en cette fin d'année 2023, de ce que sera l'état économique de la France en 2024 ? Personne ne peut faire la moindre prévision. Par contre, on peut établir des probabilités. Il semblerait, avec toutes les précautions d'usage, que la France soit sur le point d'entrer en récession. En principe, le fait de lutter contre l'inflation mène, en effet, à la récession, parce qu'il faut monter les taux et que ceux qui, auparavant, profitaient des taux bas se retrouvent en difficulté. Dans ce cas, la récession arrive parce que l'inflation devient incontrôlable et qu'il faut la juguler.

La masse monétaire de l'euro ayant augmenté, son pouvoir d'achat a baissé. Il faut, encore une fois, arrêter de produire des billets, et monter les taux. C'est pourquoi la récession apparaît comme inévitable. L'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) calcule des indicateurs économiques avancés, et fait en sorte que l'on puisse comparer entre elles les différentes statistiques obtenues. Un certain nombre de variables se mettent à bouger quand l'économie chute. Sur ces bases, l'OCDE tend à confirmer qu'il y aura une récession.

On doit donc s'attendre à une baisse de la rentabilité des entreprises, à une hausse du chômage, à une baisse des recettes fiscales et à une hausse du déficit budgétaire. Quand les taux d'intérêt sont au-dessus de la croissance structurelle du PIB nominal, les profits des sociétés (la variable déterminante) montent en suivant approximativement les taux d'intérêt. En prenant moins de risques (avec des obligations d'État), on a un taux de croissance supérieur à ce que l'on achète quand on achète des actions, ce qui veut dire qu'acheter des actions devenant, dans ce cas, inutile, l'économie va chuter.

On observe que les récessions sont, en général, précédées par une hausse des taux. En effet, emprunter à 10 pour investir dans des affaires qui croissent à 8 n'est pas intéressant. Pour comprendre comment la France en est arrivée là, il faut reprendre le dossier de Gave sur la désindustrialisation, dont j'avais parlé dans un autre sujet. Contrer la récession impliquerait d'éviter les recettes habituellement appliquées par la classe politique française. Gave, lui, irait à contre-courant : il réduirait les dépenses de l'État (et c'est ce que j'aurais fait aussi depuis longtemps, drastiquement et froidement, par conscience du principe de réalité, en vertu du pragmatisme qui doit découler de cette conscience).

On atteint aujourd'hui de tels niveaux de dette, et de tels niveaux de dépenses publiques par rapport au PIB, que mettre encore de l'argent dans l'État est encore plus inconcevable qu'auparavant. Dans ce sens, la politique ne peut plus avoir d'effet sur l'économie (du moins, la politique telle qu'elle a été menée jusqu'à présent). Le scénario de dépenses accrues, de rachat d'obligations par la Banque centrale européenne (BCE) et d'impression de billets (entraînant une hausse de l'inflation) ne peut mener qu'à l'effondrement de l'euro.

Or, comme nous achetons notre pétrole en monnaie étrangère (le dollar), nous allons nous appauvrir si l'euro s'effondre. Par ailleurs, on a vu dans un autre sujet que l'Allemagne est en compétition avec le Japon, lui-même soutenu par une monnaie extraordinairement basse. A contrario, la Suède, n'étant pas dans l'euro, reste plus compétitive que la France et l'Allemagne du fait qu'elle a gardé sa propre monnaie et que, pouvant la dévaluer, elle est 25 % moins chère que nous. La seule chance pour la France de s'en sortir est de faire en sorte que la croissance structurelle du PIB nominal passe, de nouveau, au-dessus des taux d'intérêt.

L'important, c'est la différence entre le coût de l'argent et la rentabilité de l'argent, ce qui n'est faisable qu'avec des prix de marché pour les taux de change et les taux d'intérêt. La France doit donc sortir de l'Union européenne, de façon à retrouver sa souveraineté monétaire. L'environnement institutionnel européen empêche en effet l'application des solutions qui s'imposent. Nous arrivons à l'heure du choix décisif entre l'environnement institutionnel et la survie économique de notre pays. La classe super-étatique est appelée à mal finir.

En général, quand il y a une récession, le déficit augmente considérablement, comme par exemple en 2003 quand il est passé de 2 à 3,5, ou en 2008-2009 quand il est passé de 2 à 8, ou en 2020 quand il est passé de 3 à 8. Si en 2024 il y a une récession, compte tenu de l'état actuel de l'économie française, on peut aller jusqu'à 10 % de déficit. Quand on regarde le déficit des comptes courants, on s'aperçoit que, avant l'euro et les trente-cinq heures, notre balance commerciale était excédentaire (à 1,5 % ou 2 % du PIB), tandis qu'après, elle s'est effondrée, avec une détérioration de notre compétitivité structurelle : on achète de plus en plus à l'étranger.

Concrètement, maintenir la consommation avec un déficit revient, pour nous, à acheter de plus en plus à la Chine ou au Japon, et donc à vivre au-dessus de nos moyens. Un déficit, en effet, implique de vivre au-dessus de ses moyens vis-à-vis de l'extérieur. Dans notre cas, nous avons besoin de 10 % de notre PIB pour boucler nos fins de mois. Trop consommer, en l'occurrence, n'est pas le fait du consommateur moyen, mais le fait de l'État, toujours trop coûteux. Dans un premier temps, il faudrait se fixer comme objectif à court terme de faire en sorte que les dépenses de l'État passent de 58 % à 40 %. J'ajoute, en toute logique : il faudrait, le plus rapidement possible, réduire l'État à ses fonctions régaliennes, de façon à arriver enfin à la mise en pratique d'un modèle libéral classique, conservateur, ultra-capitaliste d'intérêt national.

La contrepartie intéressante d'une récession est le fait que, le consommateur moyen achetant moins, il achète moins à l'étranger. Pour autant, cela veut-il dire qu'il achète davantage de produits français ? De toute façon, quoi qu'il achète, il permet à l'économie française de fonctionner, car ce sont bien des entreprises françaises qui commercialisent les produits, que ces derniers soient d'origine locale ou non, et qui, en les commercialisant, donnent du travail. Donc, on en revient toujours à l'idée que, le problème, ce sont les dépenses de l'État.

Si, dans un pays, les taux d'intérêt sont au-dessus du taux de croissance, en empruntant à 10 et en croissant à 6, on arrive à une explosion de la dette. En cas de récession, la dette de la France risque de passer de 124 % du PIB à 150 % du PIB. Cette dette, ce ne sont pas les Français qui vont la financer, car ils n'ont plus d'épargne. Soit c'est la BCE qui va la financer et la monnaie va, alors, s'écrouler au profit de l'inflation, soit ce sont les autres pays, mais ils n'auraient aucun intérêt à le faire, sauf avec une prime de risque rédhibitoire pour nous.

Ce qui nous menace est, par conséquent, l'explosion du service de la dette, si nous lançons, comme nous l'avons déjà fait, des emprunts indexés sur l'inflation. Or, plus le service de la dette augmente, plus on paie à l'étranger, et plus la priorité du travail français devient le service de la dette, ce qui veut dire que, dans ces conditions, les Français deviennent de plus en plus les esclaves des étrangers. Une autre possibilité devrait, elle aussi, être écartée : celle de faire appel au FMI, dans la mesure où faire appel au FMI revient à perdre toute souveraineté.

D'où le parallèle entre l'Union européenne et la fin de l'Union soviétique, à cause du décalage entre la réalité, d'une part, et l'idéologie des dirigeants politiques, d'autre part. Nous sommes, en ce sens, dans une période propice à une révolution. Le problème, c'est l'extrême gauche, qui veut faire la révolution en demandant des aides pour les plus démunis, alors que les dépenses de l'État, on l'a vu, sont déjà trop importantes, parce que l'extrême gauche est incapable de produire l'analyse selon laquelle le problème concerne fondamentalement la gestion publique, et non la captation de l'argent par les plus riches.

Il faut arrêter de donner l'argent des impôts à des personnes qui ne travaillent pas. Comme, semble-t-il, en Hongrie sous Viktor Orbán, nous devons adopter les principes suivants et les mettre en pratique : nous sommes un pays chrétien (je dirais même, concernant la France : catholique) ; c'est dans la famille qu'il faut d'abord résoudre les problèmes (les membres d'une même famille pouvant s'entraider, au lieu d'aider des personnes étrangères à la famille) ; les revenus doivent venir du travail et non de subventions ; c'est à nous, Français, de déterminer qui a le droit de vivre en France.

Notre pays est-il en train de prendre le chemin de l'Argentine ? Le problème de l'Argentine, comme en France, c'était la fonction publique. Il faut voir ce que va donner le mandat de Javier Milei. En France, les subventions d'État perçues par 60 % de la population représentent encore un pouvoir d'achat. Quand ces subventions ne représenteront plus aucun pouvoir d'achat, les personnes concernées seront obligées de se mettre au travail. La question est : faut-il que la France arrive au point argentin pour que nous soyons enfin débarrassés de la classe parasitaire étatique ?

L'idéologie en cours fait que, malheureusement, les politiques peuvent décider de taxer les plus riches et de s'en prendre aux entreprises. Pourtant, la marge brute d'autofinancement des entreprises françaises est déjà passée de 25 % du PIB à 21 % du PIB, alors que, dans le même temps, elle est montée, en Suède, de 20 % du PIB à 25 % du PIB. Sous Emmanuel Macron, le poids de la fiscalité s'est alourdi pour les entreprises. Il faudrait l'alléger sur tous les plans : pour les entreprises comme pour les ménages. Une récession entraînant une hausse du chômage, les seuls à même de nous en sortir sont les entrepreneurs.

La France s'est considérablement désindustrialisée, étant passée de 20 % du PIB à 9 % du PIB. Il faut rappeler aussi que, en France, il y a toujours des entreprises industrielles extrêmement efficientes, comme Air Liquide, mais leurs dirigeants ont compris que, dans l'état actuel des politiques économiques menées, il n'est pas intéressant d'avoir des usines dans notre pays et, sans usine en France, on n'y crée pas de travail. Si nous adoptons les mêmes politiques qu'Orban en Hongrie, il est probable que les usines reviendront aussi chez nous, à condition de garantir une pérennité juridique suffisante.

En France ou ailleurs en Europe, on produit, en 2023, une loi par semaine. Le stock des lois est tel que personne n'y comprend plus rien, surtout quand certaines de ces lois se contredisent. Comme disait Milton Friedman (1912-2006), l'honneur, la réputation et la prospérité d'un individu nécessitent que le Congrès ne soit pas en session : il faut que chaque politique retourne dans sa circonscription. Ce qui est intéressant, dans l'Argentine de Milei, c'est la rupture politique représentée par ce dernier, avec la fermeture de la banque centrale et la fermeture de la moitié des ministères.

À chaque fois que, dans un pays, les dépenses de l'État deviennent supérieures à 40 % du PIB, on assiste à une baisse de la marge brute d'autofinancement des entreprises privées, ce qui contribue à expliquer le chômage, les entreprises n'ayant pas les moyens d'embaucher. Concernant la fonction publique, un nouveau fonctionnaire ne représente pas un nouvel emploi, mais un nouvel impôt. 90 % des emplois créés en France le sont par des entreprises de moins de dix personnes. Il est déjà difficile, car dangereux et risqué, d'être entrepreneur.

Le capitalisme de connivence fait que quelques grandes entreprises, qui ont de bonnes relations avec l'État, s'en sortent au détriment des petites entreprises. Ce n'est pas ce que préconise le libéralisme classique (ou capitalisme classique). Ainsi, la mainmise sur EDF n'a pas été une libéralisation : des amis de l'État ont profité du fait que de fausses entreprises ont été favorisées, et ensuite tous les risques ont été déversés sur EDF, avant que cette dernière soit de nouveau nationalisée. Une autre question se pose en plus : celle de l'impact des taux dans nos vies.

Un taux est une obligation. Gave a toujours essayé de développer ses entreprises à partir de fonds propres, c'est-à-dire à partir de l'argent qu'il avait déjà ou de l'argent qu'il gagnait. Mais, quand on emprunte de l'argent, il va falloir le payer : aux coûts de l'entreprise s'ajoutent les intérêts. Arrive la fin de la période où il faut rembourser. S'il faut rembourser 100 alors que l'on n'a gagné que 5 par an, les affaires dans lesquelles on a investi ne s'étant pas révélées rentables, l'entreprise saute. Donc nous devons nous méfier des taux d'intérêt, car il en va de notre liberté. L'endettement est une manière, pour les dirigeants politiques, d'asservir la population (en l'encourageant, par exemple, à investir dans l'immobilier).

Pour comprendre les taux d'intérêt, il faut comprendre que le temps a un prix. Il en découle que les affaires, et donc l'économie, ne peuvent se développer dans des cultures où, par blocage d'ordre religieux ou autre, le fait de gagner de l'argent à partir de l'argent (et non nécessairement à partir d'une activité concrète) est considéré comme tabou, alors que les différences, en termes de performance économique, sont flagrantes quand on compare, dans l'ensemble, l'histoire des marchés occidentaux et celle des marchés dans le cadre des civilisations musulmanes traditionnelles. La raison en est simple : quel intérêt y aurait-il à prêter sans contrepartie ?

Avec les taux 0, l'État avait essayé de capturer le temps. Pour comprendre plus en profondeur le problème de la dette en France, il faut remonter, notamment, jusqu'à la loi n° 73-7 du 3 janvier 1973 sur la Banque de France (à laquelle Pierre-Yves Rougeyron a consacré un célèbre ouvrage critique). Le mystère du capitalisme, c'est comment passer d'une épargne stérile à une augmentation du stock de capital pour la population (en permettant, par exemple, de créer des centrales nucléaires). Il faudrait donc que l'État emprunte à un prix plus élevé que les autres, car les faits montrent que, en donnant de l'argent à des personnes qui ne travaillent pas, il est le plus grand destructeur d'épargne. Au fond, l'État ne devrait pas avoir le droit d'emprunter.