Le Cercle Aristote se définit comme souverainiste. Il n'est donc pas d'extrême droite à proprement parler. Dans cet entretien de juin 2023, Pierre-Yves Rougeyron semble parfois opérer des rapprochements entre sa ligne politique et LFI, invitant par exemple à envisager la gestion de l'immigration sous l'angle d'un socialisme qu'il qualifie de viril. Or, qu'un souverainiste redirige ses auditeurs vers la Reconquête d'Éric Zemmour ou, plus surprenant, vers l'extrême gauche, dans les deux cas (de cette hypothèse ou de cette réalité) la stratégie qui se dessine semble la même : faire perdre des voix au Rassemblement National au profit de partis réputés plus compatibles avec le régime républicain, ce qui confirme un dessein d'inspiration gaullienne (voire, à la rigueur, une réminiscence souverainiste de l'ancienne alliance entre gaullistes et communistes).

Quand, au contraire, on défend une position individualiste tout en restant politiquement indépendant (ni syndiqué, ni encarté), l'alternative peut se résumer ainsi : soit continuer à voter blanc (dans le cas d'une moindre urgence électorale, compte tenu de clivages relativement absents du paysage politicien), soit voter pour le parti le plus à droite possible (même s'il le sera toujours moins qu'un positionnement individualiste, l'urgence s'illustrant ici par le fait que les clivages en France sont, justement, plus marqués en 2023 qu'en 2017 par exemple). Si je suis individualiste et que j'ai longtemps voté blanc, je peux être amené à voter Rassemblement National (même si je trouve ce parti édulcoré, manquant d'agressivité), après avoir considéré, l'évolution de l'actualité aidant, que la priorité est de mettre la tolérance gauchiste en échec.

En résumé, contrairement à l'auteur cité, qui n'est ni ne veut être méchant, je n'ai pas besoin de vouloir être méchant : je le suis déjà. L'impossibilité qu'il voit, en théorie comme en pratique, de construire une civilisation à partir d'un individualisme qu'il qualifie de nietzschéen, est la conséquence d'une perspective qui n'apparaît pas dans son champ, celle de l'individualisme défini comme étant déjà, en soi, un fait de civilisation acté. Un humaniste ne peut envisager la misanthropie comme un moteur.